Patrick Becker – Patrick Becker
Origine : Suisse
Domaine : Rock progressif
Actif depuis : 1999
Interventions : Galileo records – gérant ; Festival ProgSol – membre actif
Groupes signés : Xang (France), Metaphor (USA), Forgotten Suns (Portugal), Scythe (Allemagne), Thonk (Suisse), T (Allemagne), Simon Says (Suède), Moongarden (Italie)
Groupes distribués : Deep Thought (Suisse), Metamorphosis (Suisse)
Il existe en Europe un pays dont la neutralité s’est montrée curieusement partiale depuis quelques années. La Suisse affiche de fait des préférences progressives qui étaient auparavant l’apanage unique de la Belgique et de son Spirit of 66. Patrick Becker, fondateur de Galileo Records, apporte son éclairage sur la question.
Peux-tu te présenter et donner quelques indications de ton rôle sur la scène progressive suisse et européenne ?
Patrick Becker : Je suis actif sur la scène progressive depuis 1995. J’ai commencé avec unmailorder de prog qui s’appelait Prog4u. En 1998 j’ai eu comme une baffe en voyant jouer XANG au festival de prog de Corbigny. Après cela j’ai contacte Manu de XANG pour savoir s’ils avaient trouvé un label grâce à leur prestation au festival. Comme il m’a dit que personne n’était intéressé, j’ai décidé de fonder un label pour les produire et distribuer le disque. C’est comme ça que Galileo a débuté en 1999. En 2002 un copain et moi avons décidé d’organiser un festival prog en Suisse. C’est l’unique festival de ce genre en Suisse et cette année nous organisons la quatrième édition.
Tu n’es pas, originellement, un professionnel de la musique et tu continues à exercer une autre activité professionnelle. Quel parcours t’a mené à cette double vie ?
C’est une drôle d’histoire. En fait dans les années soixante-dix et quatre-vingt j’écoutais du prog, sans savoir que ça s’appelait prog. De toute façon les années quatre-vingt n’étaient pas trop convaincantes concernant la musique et j’ai un peu décroché. C’est en 1994 tout à fait par hasard que le prog est rentré dans ma vie. J’étais membre d’une bibliothèque de musique et j’allais chercher de nouveaux disques chaque samedi. Lors d’une visite à la bibliothèque je m’étais trompé de disque, mais j’ai quand même placé le » faux » CD dans le lecteur et là… C’était exactement la musique que j’aimais. Et surprise c’était un disque récent. J’avais mis la main sur Premier février de GALAAD. Sur la pochette il y avait quelques disques et surtout une adresse où commander le catalogue (c’était un disque de MUSEA). J’ai donc commandé le catalogue et c’est la que la fièvre m’a pris.
Quels sont les moyens d’un label de cette taille, lorsque l’on est ainsi partagé ?
Les limites, ce sont tes moyens financiers privés et ton temps libre. J’arrive de moins en moins à équilibrer mes comptes car il faut toujours plus courir après l’argent. J’ai perdu environ CHF 3’000.- en Hollande par exemple.
Avec quelle somme et quelle durée de temps libre, au vu de ton expérience, conseillerais-tu à un jeune entrepreneur de se lancer ?
Au moins 2 – 3 heures par jour. Mais tu le sais bien, le progressif n’est pas rentable. Ce qui rentre est réinvesti dans un nouveau projet.
Quelles sont les difficultés que tu rencontres au quotidien vis-à-vis de la musique progressive, de ses acteurs et de son public ?
Je trouve que ces gens là sont tous très ouverts. Les groupes veulent donner des concerts et ne demandent pas la lune comme peut-être dans d’autres styles. Le public est aussi très sympa et beaucoup ont la même fièvre que moi, donc… En fait, avec les proggeux, je n’ai pas de problème. Le problème est de faire connaître notre musique. Alors là, c’est la galère complète !
Dirais-tu que ce sont des difficultés typiquement locales, ou que l’on y est plus exposé en Suisse qu’ailleurs ?
Oui. Les Suisses sont sûrement plus conservateurs que d’autres nationalités. Le Suisse en général n’achète pas ce qu’il ne connaît pas. De plus il est plus difficile de faire des envois à l’étranger, a cause des douanes.
On parle beaucoup, en France, de P2P ou échange électronique entre pairs de contenus protégés par le droit de la propriété intellectuelle. Certains artistes et figures du milieu se sont érigés pour, d’autres contre, d’autres enfin ont pris parti contre la violence de la répression, dénonçant plutôt l’immobilisme de l’industrie musicale qui n’a pas vu venir le phénomène. En tant qu’informaticien et acteur de la scène musicale, quelle est ton opinion ? Quelle est la vision helvétique de ce phénomène ?
Comme la plus part des proggeux sont des fanas je n’ai rien contre les mp3, car les mp3 sont un bon moyen pour faire entendre les disques. Et un fana DOIT de toute façon avoir quelque chose de complet avec booklet etc. pour être satisfait. En fait c’est un bon moyen de promotion.
L’écurie Galileo regroupe quelques noms à la popularité croissante, comme Moongarden. Peux-tu nous parler de tes groupes, de ton actualité, et de la ligne artistique du label ?
La ligne artistique est vite décrite : comme je suis seul, je vais m’occuper des groupes dont j’aime la musique. Moongarden est ainsi en train de monter une petite tournée européenne. Ils vont aussi passer en Belgique au Spirit of 66. Xang, de son côté, est en train d’enregistrer son prochain CD qui va s’appeler La Der des Ders. Ce sera un concept sur la première guerre mondiale. Ceci, parce que Manu le batteur a fait une partie de son service militaire à Verdun et l’ambiance autour de Verdun avec ces tranchées l’a beaucoup marqué. Le 11 mars je sors le troisième Metamorphosis Then All Was Silent. Je suis le distributeur pour Jean-Pierre Schenk, le meneur de Metamorphosis.
Quel est le paysage global suisse ? Le Z7 se fait fortement connaître, mais est-ce la seule plate-forme d’expression des musiques progressives ?
Pour le prog il y a le Z7, qui prend les grosses pointures. Depuis 2002 il y a aussi ProgSol, qui a quand même réussi à faire venir High Wheel, Ars Nova et surtout Focus qui n’avait plus joué en Suisse depuis 1977. C’était au festival de Montreux à l’époque.
Faut-il mieux être germanophone, italophone ou francophone pour réussir musicalement lorsque l’on est un groupe suisse ? Y-a-t-il une différence entre les trois publics ?
Tu ne peux pas réussir uniquement en Suisse. J’ai vu une statistique dernièrement. Il n’y a que 14 personnes suisses faisant de la musique, qui peuvent en vivre. Il y a une différence entre les trois publics : les germanophones se basent sur l’Allemagne, les francophones sur la France, pour les italophones je ne sais pas. Ce qui est marrant c’est que les Suisses-Allemands n’aiment pas les Allemands, ils préfèrent les Français. La France est la destination numéro un pour les vacances 😉
Chacune de ces trois grandes parties de la Confédération a ses événements musicaux dédiés ?
Non. En Suisse il y a quelques grands festivals. Le plus grand et renommé est sûrement le festival de Montreux. Mais tu as aussi ceux de Nyon, le Gurten etc.
Tu œuvres aussi pour le festival Progsol… Peux-tu nous parler de cet événement ?
Pas mal de boulot pour deux jours de bonheur ! Je suis membre du conseil d’administration. Je m’occupe de contacter les groupes, faire les contrats, de la pub, du site internet.
C’est difficile de mobiliser les gens pour venir, mais on arrive à tourner. Ce festival a eu lieu en 2002 pour la première fois avec : Lest (France) / Arf (Suisse) / High Wheel (Allemagne) / Xang (France) / Deep Thought (Suisse) / Thonk (Suisse) / Moongarden (Italie) et Ertlif (Suisse). En 2003 nous avons eu : Zenit (Suisse) / La Maschera di Cera (Italie) / Taal (France) / Ex-Vagus (France) et Focus (Hollande). En 2004 nous avons eu : Cosmos (Suisse) / Moongarden (Italie) / Galleon (Suède) / Neverland (Suisse) / RAK (Suisse) et Irrwisch (Suisse). Pour cette année nos idées ont parfois changé. Nous pensons à Discus (Indonésie) / Sisyphos (Suisse) / The Watch (Italie) et Liquid Scarlet (Suède), plus un ou deux autres.
Un dernier mot pour les amateurs de musiques progressives francophones ?
Salutations à tout le monde 😉