Marco Minnemann – Bilan de compétences
Si vous avez suivi (avec passion ou non) les auditions de Dream Theater, vous n’avez pas pu passer à côté de Marco Minnemann, ce bonhomme souriant, autour duquel un grand élan de sympathie s’est formé. On le sait, c’est Mike Mangini qui a été choisi, mais depuis, le batteur allemand est sollicité de toutes parts. Alors que vient de sortir le premier album de son groupe The Aristocrats, nous l’avons retrouvé à Paris, quelques heures avant qu’il ne monte sur scène avec Steven Wilson. L’occasion pour nous d’évoquer sa présence ici, les dessous de son audition avec Dream Theater et l’avenir de The Aristocrats.
Chromatique : Marco, tout d’abord, un grand merci de nous accorder cet entretien improvisé. Franchement, après ton audition avec Dream Theater, t’attendais-tu à un tel plébiscite ? Pour certains, le doute n’était pas permis : tu étais l’élu ! On a du mal à croire, avec ce qu’on a vu à dans le documentaire The Spirit Carries On que tu n’aies pas été choisi.
Marco Minnemann : Oh, c’est avec plaisir pour l’entretien, surtout que je ne connaissais pas votre site. Pour autant, j’ai lu votre chronique, mais il va falloir maintenant que je me penche sérieusement dessus avec cet entretien. (visiblement gêné) Pour ce qui est de Dream Theater, que dire si ce n’est merci ? J’avoue que tout cet engouement m’a énormément surpris mais, pour être tout à fait franc, cette histoire va bien plus loin que le cadre simple de l‘audition. Il s’est réellement créé un courant entre nous, un vrai plaisir de part et d’autre. Cela dit, il a bien fallu mettre les choses au point. Si j’étais choisi, Dream Theater devait devenir ma priorité absolue, tout le reste passant après. Or, j’ai ma carrière solo. The Aristocrats vient de sortir son premier album. Tout ça est très important pour moi, je ne peux pas le reléguer au second plan, sans compter que je vis en Californie et que les musiciens de Dream Theater sont à New York. J’en ai parlé à Jordan Rudess, qui est un ami très cher, lui expliquant qu’au vu des conditions imposées, il était difficile d’accepter. J’ai préféré être honnête. De plus, et je vais sans doute surprendre plus d’un lecteur, je ne suis pas fan de Dream Theater. Je n’ai aucun de leurs disques, excepté un que l’on m’a offert. Je ne connais aucun de leurs albums, aucun titre. Du coup, ils se sont sentis un peu gênés et étonnés quand je le leur ai confessé. C’était une situation imprévue et un peu amusante, je le concède. J’ai passé un bon moment avec ces gars, et si j’avais vraiment voulu décrocher le job, je l’aurais eu. Mais comme je le disais, la relation que j’ai avec Jordan dépasse le cadre, trop formel à mon goût, de l’audition. D’ailleurs, je profite de l’occasion pour te dire que Jordan, John Petrucci et moi-même devrions collaborer sur un prochain projet ; c’est dire si l’alchimie était présente ! On me parle très souvent de ces quelques secondes de film où l’on nous voit improviser ensemble. C’est clair c’était magique, mais maintenant que tu connais ma position, penses-tu vraiment que j’aurais été épanoui dans ce contexte ? Je n’en suis pas si sûr. Il faut que je clarifie un autre point : j’ai auditionné parce que Jordan me l’a demandé. Vu qu’on bossait ensemble, il m’a proposé de venir faire un bout d’essai, histoire de voir ce que ça donnerait. Lorsqu’on a joué, je me suis demandé si remplacer un type qui était là pendant vingt-cinq ans correspondait vraiment à mon souhait le plus cher. De la même manière, je ne voulais pas forcément être la cinquième roue d’un carrosse qui est sur les routes depuis bien longtemps, et sacrifier pour cela mes autres projets. Bon ok, si c’est Sting ou The Police je réfléchirai à deux fois (Rires) !
Parlons maintenant de ta présence sur la tournée de Steven Wilson. De quelle manière s’est fait le contact ?
C’est vrai que cela peut paraître surprenant. Steven m’a appelé dans un premier temps et son management a pris la relève, ils tenaient à ce que je sois le batteur de cette tournée. Je n’ai pas auditionné pour ce projet. J’ai rencontré Steven par la suite et l’osmose fut totale tant sur le plan musical qu’humain. Et je dois te le dire : cette tournée est magnifique. Je ne veux surtout pas gâcher l’effet de surprise mais ce que tu vas voir ce soir est d’une beauté rare.
Pour autant, est-il surprenant de voir un musicien, a priori rompu à l’exercice de musiques très techniques, dans une telle formation ? Ton passé discographique plaide pour des genres bien plus tordus…
Mais je comprends tout à fait ! Ce qu’il te faut savoir c’est que nous avons tous une grande marge de manœuvre au sein de ce groupe. On est assez libre de nos mouvements et je suis sûr que le concert de ce soir achèvera de convaincre les plus sceptiques ! Certains morceaux nous laissent la possibilité de nous lâcher un peu, donc on en profite autant que faire se peut.
On en vient maintenant aux Aristocrats. Dès l’annonce de la création de ce super groupe, l’attente a été grande… le premier album est maintenant sorti, quels sont les retours ?
Je pense qu’il y a une certaine magie autour de ce trio. C’est bizarre mais parfois des personnes se rencontrent et l’alchimie est à la fois immédiate et totale. Bryan, Guthrie et moi-même attirons beaucoup l’attention dans nos projets respectifs, et le fait est que notre association attise les curiosités, notamment pour ce qui concerne Guthrie. Pourquoi ? Parce qu’il n’a pas enregistré de disques depuis des années ! Le contexte nous est donc favorable. Bryan et moi nous connaissions déjà d’une précédente collaboration avec Mike Keneally (Steve Vai, Frank Zappa…). Nous contribuons à part égale à l’écriture : chacun a écrit trois titres qu’il a ensuite soumis aux autres. Je pense que les gens seront curieux de voir ce que cette association donne sur scène.
D’après ce que j’ai compris, The Aristocrats est né à la suite d’un imprévu qui a ensuite viré au happy end …
Exactement. Au départ, Greg Howe était censé être le guitariste de ce groupe. Il a dû annuler sa participation à un concert. Il nous fallait donc trouver un remplaçant digne de ce nom et ce fut Guthrie. Quand nous avons commencé à jouer ensemble cette petite flamme s’est allumée et voilà où nous en sommes aujourd’hui… désolé Greg (Rires). Aujourd’hui, par la force des choses et les heureuses conséquences nées de certaines rencontres, nous sommes plus exposés que par le passé. C’est à la fois bénéfique et agréable pour nous. Pourvu que ça dure !
On vous le souhaite ! Aura-t-on le plaisir de vous voir en France ?
C’est actuellement à l’étude. Si tout se passe bien, nous serons en France en mars prochain. J’invite tes lecteurs à venir au concert, c’est une expérience qu’ils ne voudront sûrement pas manquer. Nous annonçons les titres des morceaux sur scène, le public pourra ainsi voir la différence d’écriture de chacun d’entre nous. Nous jouerons l’intégralité de l’album ainsi que des nouveaux extraits du prochain disque.
The Aristocrats est-il ton seul groupe à l’heure actuelle ?
Oui, j’y suis très épanoui. Chacun d’entre nous est libre d’écrire et de composer comme il le sent et a une réelle envie de jouer ce qu’ont écrit les autres. Je le mets au même niveau que mes projets solo. Un nouveau disque sortira d’ailleurs en décembre prochain : Evil Smiles of Beauty.
Le fait d’avoir été l’un des candidats choisis pour auditionner avec Dream Theater t’a-t-il ouvert des portes ? J’imagine que les sollicitations sont nombreuses maintenant…
Oui, je ne vais pas le nier, ça a été un déclencheur, et effectivement, je reçois pas mal de demandes concernant des collaborations potentielles. Cela étant, je voudrais dire que je n’ai pas apprécié et je n’apprécie toujours pas la manière dont ces auditions ont été présentées. Ce côté télé-réalité m’a vraiment déplu. Nous étions parvenu à un accord avec le management, via e-mail sur le fait que si je n’aimais pas tel ou tel passage, je bénéficiais d’un droit de regard et in extenso de veto, sur le montage final. Après avoir vu la vidéo montée, je leur ai dit : « Merci les gars, c’était pas si mal que ça, vous pouvez l’enlever du montage » ce à quoi le management m’a répondu : « Non, ça figurera sur le documentaire ». J’ai donc brandi mon droit de veto évoqué précédemment tandis qu’eux ont invoqué le contrat signé au préalable avant de passer l’audition. En gros j’avais cédé mon droit à l’image. C’est le même procédé utilisé dans American Idol (ndlr: équivalent de la Nouvelle Star outre-Atlantique). Tous les autres candidats se sont faits flouer de la même manière. Ça n’enlève rien aux moments passés avec Dream Theater, mais savoir que leur management fait des coups en douce peut écorner leur image ou celle de ceux qui travaillent avec eux. Cette manière de procéder est un véritable coup de vice. Jamais nous n’avions reçu de contrat préalable. Le seul que nous ayons signé nous avait été soumis cinq minutes avant de commencer l’audition : il stipulait que les candidats étaient d’accord pour figurer sur le DVD. Je suis venu de Californie, je n’allais tout de même pas faire marche arrière après tout ce trajet. Quand ils m’ont dit que j’allais être filmé dans le cadre d’un DVD documentaire, je n’étais pas chaud du tout et ai donc exigé un droit de regard. Tout cela ne m’a vraiment pas enchanté, j’en ai parlé à Jordan et à John Petrucci. Ils ne sont pas en première ligne dans cette affaire mais je leur ai dit le fond de ma pensée. Au final, cela m’a permis d’avoir une bonne publicité, je ne vais pas le nier, et aussi de pouvoir collaborer dans un futur proche avec de très grands musiciens.
Un dernier mot pour nos lecteurs ?
Ce que tu veux mais pas en français (Rires) ! Je l’ai perdu il y a des années de cela, tu ne m’en voudras pas si je peux m’éviter un moment de solitude (Rires). Plus sérieusement, j’espère qu’ils prendront autant de plaisir à lire cette interview que j’ai eu à la faire. Je vous donne rendez vous – croisons les doigts – en mars prochain avec The Aristocrats.