Serj Tankian – Tankian a plus, y’en a encore.
Serj Tankian ne tient pas en place. Alors que vient à peine de sortir Harakiri, l’ex System of A Down nous parle de la multitude de projets qu’il a menés à bien récemment. De quoi mettre l’eau à la bouche, tant le rayon d’action du bonhomme est large. Précisions.
Chromatique : Que signifie Harakiri ? Cela a-t-il un rapport avec les thèmes de l’album ?
Serj Tankian : Harakiri est un terme japonais qui signifie suicide rituel par tranchage de l’abdomen. C’est un terme similaire à Seppuku, qui correspond à une auto-éventration à l’aide d’une épée. Le premier titre que j’ai écrit pour l’album est la chanson éponyme « Harakiri », qui fait référence à des événements inquiétants qui se sont produits début 2011, lorsque près d’un million d’espèces d’oiseaux et de poissons ont disparu, sans explication scientifique satisfaisante. Le présage ne m’a pas échappé. Diverses créatures terrestres ont massivement commis un harakiri ou ont reçu un signe pour quitter ce lieu. Pourquoi ces êtres instinctifs étroitement liés à la nature sont-ils partis ? Que cela signifie-t-il en termes de dégradation de l’environnement, d’événements à venir, etc. ? Harakiri n’est pas vraiment un disque concept, bien que l’idée du harakiri en tant que référence à la mort en est le thème central. Tout le reste tente de capturer la vie de la période actuelle : événements politiques et sociaux, histoires personnelles, interprétations humoristiques, etc. J’ai essayé de montrer les bouleversements massifs que connaît notre vie, touchée par l’injustice, les iniquités économiques, l’échec de cet énorme agenda mondial, et bien sûr, les révoltes.
L’année 2011 a été une année exceptionnelle pour toi. Tu as enregistré quatre albums entre 2011 et 2012. Peux-tu nous parler de chacun de ces projets ?
2011 a été l’année la plus remplie, la plus productive de ma vie jusqu’ici. En février, la comédie musicale rock Prometheus Bound, pour laquelle j’ai écrit toute la musique, a fait sa première à l’Oberon Theater de Harvard, à Boston. J’ai sorti mon second livre de poésie, Glaring Through Oblivion. J’ai fait une tournée avec System of A Down sur trois continents, j’ai joué avec le Opera Orchestra à Yerevan en Arménie, où j’ai également participé à des meetings politiques avec des personnages de l’Etat et j’ai organisé des événements à but non lucratif. J’ai, pour la première fois, joué au Liban, où je suis né, avec le Lebanese National Symphony Orchestra. Lorsque je suis revenu aux Etats-Unis après la tournée, j’ai écrit quatre disques : Harakiri, Jazz-iz Christ, Fuktronic et Orca. Composer, c’est ce que je préfère. Chaque genre a un mode d’expression unique que tu ne peux remplacer par aucun autre. Chacun de ces albums inspire l’autre bien qu’il n’y ait aucun lien conceptuel de quelque sorte que ce soit.
Celui de Jazz s’appelle Jazz-iz Christ. J’avais déjà écrit de nombreux titres de jazz et j’ai eu la possibilité de collaborer avec quelques musiciens incroyables comme Tigran Hamasyan (pianiste signé chez Verve), Tom Duprey (trompettiste, qui a également joué dans la comédie musicale que j’ai composée, Prometheus Bound), Valery Tolstoy (flûtiste) et David Alpay (violoniste). Nous nous sommes envoyé les chansons les uns aux autres, tout le monde a apporté sa contribution et nous avons fini cette année. L’album orchestral s’appelle ORCA, et constitue ma première symphonie classique, car la symphonie Elect The Dead n’est qu’une réinterprétation de l’album du même nom. Techniquement, il s’agit donc d’un arrangement symphonique, mais pas d’une symphonie au sens classique. J’ai commencé à écrire ORCA lorsque je composais mon disque précédent, Imperfect Harmonies. Nous travaillons sur des idées de concerts pour 2013. Le projet électronique est une collaboration avec Jimmy Urine du groupe Mindless Self Indulgence, et s’appelle Fuktronic. Le disque est une sorte de concept, un film anglais de gangster sans le film, si cela peut avoir un sens. Il y a des acteurs et plein de jurons, de morts et de trucs excessifs et hilarants.
Tu es signé sur une major, mais as-tu toutes les libertés pour composer ? Tes multiples projets n’effraient-ils pas ton label ?
J’ai toujours écrit mes chansons librement, comme tu le dis, et j’ai été sur une major depuis le début de ma carrière. Quoi qu’il en soit, j’ai contractuellement la liberté de réaliser les projets que je veux, quand je veux, avec les collaborateurs que je choisis. Pas mal, non ?
Tes albums sont assez éloignés de ce que tu faisais avec System of A Down. Penses-tu que ton public est très différent ? A quoi ressemble-t-il ? Y a-t-il toujours des métalleux ? Des jeunes ? Des gens ordinaires ?
Une partie du public est différente, l’autre non. J’ai plus de femmes dans mon public que System. C’est toujours un bon signe, non ? De ce que j’ai pu constater, il y a des gens de tous âges et de toutes traditions musicales. Pourquoi ne rapportes-tu pas une caméra pour le découvrir toi-même ?
Tes albums ont-ils été affectés par le phénomène du téléchargement illégal ? Quelle est ta position sur le sujet ? Que penses-tu de l’affaire Megaupload ?
Oui, évidemment mes (et nos) albums ont été téléchargés illégalement. Je n’ai vraiment rien à faire de l’industrie musicale du passé. Le téléchargement, c’est le passé. C’est trop lourd et consommateur de temps. Le futur, c’est le streaming, bien que cela ne signifie pas pour le moment plus d’argent pour les musiciens. Nous devons nous battre en tant qu’artistes unis pour créer des flux de revenus équitables avec ces nouvelles formes de prestations de notre industrie.
On sait qu’une tournée peut-être source de tensions, alors comment s’est déroulée celle avec tes compères de System of A down, du point de vue relationnel ?
Nous n’avions ni tourné ni travaillé ensemble depuis six ans, alors nous nous sommes retrouvés pour une courte tournée de deux semaines et c’était génial.
System of A Down sortira-t-il un nouvel album ?
Nous n’avons rien planifié à ce sujet pour l’instant. Je pense que c’est quelque chose que nous déciderons ensemble et nous y travaillerons le moment venu, lorsque nous serons tous dans cet état d’esprit. Le moment n’est pas encore venu pour l’instant. C’est aussi simple que ça.