Phlox – Estoniens en fleur
Aussi confidentiel soit-il, le genre progressif, aidé par sa définition floue, trouve son expression dans les contrées les plus inattendues. A l’instar du vent qui balaie la république balte, les Estoniens de Phlox, libérés de toute contrainte stylistique, apportent de la fraîcheur dans le paysage musical avec une fusion inclassable, frénétique, empreinte de jazz et de bruitisme.
Progressia : Quelle est la signification du nom du groupe ? A-t-il un rapport avec la fleur du même nom et comment avez-vous débuté ?
Pearu Helernum : Le groupe s’est formé pendant l’hiver de 1999 à 2000. Notre bassiste de l’époque faisait des études de botanique. Les fleurs faisaient donc un peu partie de sa vie, mais ça n’a pas plus de sens que cela.
La musique de Phlox dévoile une multitude d’influences : jazz fusion, rock progressif, musique bruitiste… Comment vous définiriez-vous ? « Hard jazz fusion » ? « avant-prog » ? Quels artistes vous ont le plus influencés ?
Powerjazz hyperboréal feunugrec ? (rires) A vrai dire, la clé, c’est de ne pas se définir du tout. On peut jouer tout ce qui nous vient à l’esprit. Ainsi il est possible d’entendre un beat disco suivi d’un passage lyrique, avec entre temps du free jazz et quelque chose qui ressemble à du Napalm Death en quelques minutes. D’autre part, un groupe constitué de six membres a un mode de composition assez immuable, dans le sens où si tu inclus des parties différentes, cela finit toujours par donner le même genre de patchwork. A propos des influences, sans parler des plus évidentes, j’imagine que c’est la même chose – nous avons tous des goûts différents qui passent de la musique médiévale à l’électronique, etc. Il faut arriver néamoins à les déceler dans cette mixture bruitiste. En réalité, nous avons vu beaucoup d’artistes français de jazz contemporain sur des scènes estoniennes qui nous ont poussés vers des directions que nous n’aurions pas empruntées autrement. Depuis la moitié des années quatre-vingt-dix, Marc Ducret fait son oiseau en migration et vient quasiment tous les ans chez nous. J’ai également vu Médéric Collignon, Louis Sclavis, Andy Emler, Vincent Courtois, François Corneloup et j’en passe !
Rebimine + Voltimine est votre troisième album, dynamique, complexe et parfois même atmosphérique. Vous utilisez beaucoup de distortions sur vos guitares et vos claviers. Est-ce comme un fil conducteur ? Comment composez-vous, est-ce un travail collectif ?
On a une certaine tendance à aimer faire du bruit, d’où la distorsion (rires). Tous les morceaux sont des compositions faites maison de Madis, Kristo ou moi-même. Nous ne sommes donc pas un groupe de jam. Dès lors, je ne pense pas qu’elles soient trop complexes – pas encore, du moins – comparées à d’autres groupes du genre. Même si nous avons fait énormément d’improvisations à nos débuts, nous avons essayé de rendre ce matériau plus intéressant à jouer et cela a donné le Phlox d’aujourd’hui.
Le prochain album va bientôt sortir sur MKDK Records, un petit label estonien mais apparemment audacieux. Est-ce difficile d’enregistrer et de publier de la musique en Estonie ?
En publier est assez facile car les usines où les disques sont pressés ne sont pas chères, et il existe en outre beaucoup de studios, des professionnels comme des plus modestes. Par ailleurs, l’informatique a rendu les studios surperflus pour ceux qui préfèrent enregistrer chez eux. Il y a une scène vraiment conséquente composée d’artistes qui peuvent également jouer en concert. Parmi les mieux établis de notre génération, on trouve Pastacas, Köök et Orelipoiss, mais également Malcolm Lincoln, Queennaive, Multiphonic Rodent, Antonina et un nombre incalculable de nouveaux venus. Nous sommes juste chanceux d’avoir pu utiliser le studio analogue, ou plutôt la salle de répétition de Beggar’s Farm (signé également chez MKDK), où en plus d’amplis, micros et tables de mixage assez anciens, se trouve du matériel confectionné à la main par Heikki Tikas. Sur nos quatre albums, trois ont été enregistrés là-bas, et le dernier y a été mixé. Je crains qu’il aurait été impossible de produire quoi que ce soit sans cet environnement, ni sans les deux paires d’oreilles d’Heikki Tikas et Kaur Faltis, les ingénieurs du son.
A l’exception d’In Spe ou Ruja, deux vieilles formations estoniennes qui jouaient un rock progressif plus ou moins « classique », nos lecteurs ne connaissent probablement que peu d’artistes issus de votre pays. Y a-t-il de la place pour de la musique sophistiquée en Estonie ?
Absolument, sans aucun doute. Le terme « sophistiqué » n’est bien sûr en aucun cas limité à la musique progressive. Le prog et la fusion y ont leur place évidemment. Il y a eu une « dépression » dans les années quatre-vingt-dix avec seulement une poignée de formations telles que Megan, BF et Luarvik Luarvik. Aujourd’hui, d’une manière ou d’une autre, les jeunes générations ont redécouvert ce patrimoine et beaucoup de nouveaux artistes et de formations ont émergé dernièrement, notamment TNVVNÜM, Põhja Konn, les projets d’Erki Pärnoja (Mai Nekk Hööts – avec des musiciens suédois – et Frank Frank) ainsi que Jakob Juhkam qui a commencé lorsqu’il était adolescent en tant que one-man band, et qui a attiré assez d’attention pour finalement monter un groupe, sans oublier des musiciens comme Maria Faust et Kadri Voorand qui font du jazz encore plus lourd et violent qu’un groupe de metal lambda.
Vous allez partir sur la route avec le groupe français Camembert, en passant par la France pour un concert au Triton aux Lilas, puis enchaîner par l’Allemagne au Freakshow Artrock Festival. Est-ce la première fois que vous visitez notre pays ? Comment avez-vous rencontré Camembert ?
C’est la troisième fois pour nous en réalité. A propos de Camembert, c’est leur guitariste Vincent Sexauer qui nous a découverts sur Internet et qui est venu à notre concert à Strasbourg il y a quelques années. Nous apprécions chacun la musique de l’autre et avons commencé à nous pencher sur des opportunités de jouer ensemble en Estonie, en France et n’importe où d’autre.
Est-ce facile pour un groupe peu commun comme vous de trouver des dates ?
Si on jouait plus que nous ne jouons déjà, on ennuierait tout le monde. Comme on ne s’est jamais limité à nous définir comme un groupe prog, nous nous produisons sur scène avec à peu près n’importe qui, n’importe où et pour notre plus grand plaisir. Toutes les scènes et tous les genres ont déjà été mélangés en Estonie, et plus personne ne se soucie vraiment de la musique jouée, mais plutôt de la manière dont tu la joues. Pour ce qui est des dates à l’étranger, touts nos concerts ont été organisés par une personne qui souhaite nous y produire. Certains groupes estoniens font tout par eux-mêmes et partent en tournée pour une douzaine de concerts, comme Talbot, un duo de doom qui sera cette année en France au mois d’avril.
Outre le nouvel album, quels sont vos projets pour le futur ?
Le groupe va sûrement continuer, même si certains d’entre nous enregistrerons avec d’autres personnes ou dans d’autres projets en route. Ce printemps, nous aurons certainement du pain sur la planche avec le Bad Dream Big Band qui est en résumé un orchestre électrique bruyant d’une douzaine de musiciens. Du free jazz mixé avec nos anciennes et nos nouvelles compositions en somme.
Un dernier mot pour les lecteurs de Progressia ?
La plupart des animaux sont capables de produire des sons qui surpassent carrément n’importe quel gadget digital utilisé en studio. Merci pour cette interview !
Progressia : Quelle est la signification du nom du groupe ? A-t-il un rapport avec la fleur du même nom et comment avez-vous débuté ?
Pearu Helernum : Le groupe s’est formé pendant l’hiver de 1999 à 2000. Notre bassiste de l’époque faisait des études de botanique. Les fleurs faisaient donc un peu partie de sa vie, mais ça n’a pas plus de sens que cela.
La musique de Phlox dévoile une multitude d’influences : jazz fusion, rock progressif, musique bruitiste… Comment vous définiriez-vous ? « Hard jazz fusion » ? « avant-prog » ? Quels artistes vous ont le plus influencés ?
Powerjazz hyperboréal feunugrec ? (rires) A vrai dire, la clé, c’est de ne pas se définir du tout. On peut jouer tout ce qui nous vient à l’esprit. Ainsi il est possible d’entendre un beat disco suivi d’un passage lyrique, avec entre temps du free jazz et quelque chose qui ressemble à du Napalm Death en quelques minutes. D’autre part, un groupe constitué de six membres a un mode de composition assez immuable, dans le sens où si tu inclus des parties différentes, cela finit toujours par donner le même genre de patchwork. A propos des influences, sans parler des plus évidentes, j’imagine que c’est la même chose – nous avons tous des goûts différents qui passent de la musique médiévale à l’électronique, etc. Il faut arriver néamoins à les déceler dans cette mixture bruitiste. En réalité, nous avons vu beaucoup d’artistes français de jazz contemporain sur des scènes estoniennes qui nous ont poussés vers des directions que nous n’aurions pas empruntées autrement. Depuis la moitié des années quatre-vingt-dix, Marc Ducret fait son oiseau en migration et vient quasiment tous les ans chez nous. J’ai également vu Médéric Collignon, Louis Sclavis, Andy Emler, Vincent Courtois, François Corneloup et j’en passe !
Rebimine + Voltimine est votre troisième album, dynamique, complexe et parfois même atmosphérique. Vous utilisez beaucoup de distortions sur vos guitares et vos claviers. Est-ce comme un fil conducteur ? Comment composez-vous, est-ce un travail collectif ?
On a une certaine tendance à aimer faire du bruit, d’où la distorsion (rires). Tous les morceaux sont des compositions faites maison de Madis, Kristo ou moi-même. Nous ne sommes donc pas un groupe de jam. Dès lors, je ne pense pas qu’elles soient trop complexes – pas encore, du moins – comparées à d’autres groupes du genre. Même si nous avons fait énormément d’improvisations à nos débuts, nous avons essayé de rendre ce matériau plus intéressant à jouer et cela a donné le Phlox d’aujourd’hui.
Le prochain album va bientôt sortir sur MKDK Records, un petit label estonien mais apparemment audacieux. Est-ce difficile d’enregistrer et de publier de la musique en Estonie ?
En publier est assez facile car les usines où les disques sont pressés ne sont pas chères, et il existe en outre beaucoup de studios, des professionnels comme des plus modestes. Par ailleurs, l’informatique a rendu les studios surperflus pour ceux qui préfèrent enregistrer chez eux. Il y a une scène vraiment conséquente composée d’artistes qui peuvent également jouer en concert. Parmi les mieux établis de notre génération, on trouve Pastacas, Köök et Orelipoiss, mais également Malcolm Lincoln, Queennaive, Multiphonic Rodent, Antonina et un nombre incalculable de nouveaux venus. Nous sommes juste chanceux d’avoir pu utiliser le studio analogue, ou plutôt la salle de répétition de Beggar’s Farm (signé également chez MKDK), où en plus d’amplis, micros et tables de mixage assez anciens, se trouve du matériel confectionné à la main par Heikki Tikas. Sur nos quatre albums, trois ont été enregistrés là-bas, et le dernier y a été mixé. Je crains qu’il aurait été impossible de produire quoi que ce soit sans cet environnement, ni sans les deux paires d’oreilles d’Heikki Tikas et Kaur Faltis, les ingénieurs du son.
A l’exception d’In Spe ou Ruja, deux vieilles formations estoniennes qui jouaient un rock progressif plus ou moins « classique », nos lecteurs ne connaissent probablement que peu d’artistes issus de votre pays. Y a-t-il de la place pour de la musique sophistiquée en Estonie ?
Absolument, sans aucun doute. Le terme « sophistiqué » n’est bien sûr en aucun cas limité à la musique progressive. Le prog et la fusion y ont leur place évidemment. Il y a eu une « dépression » dans les années quatre-vingt-dix avec seulement une poignée de formations telles que Megan, BF et Luarvik Luarvik. Aujourd’hui, d’une manière ou d’une autre, les jeunes générations ont redécouvert ce patrimoine et beaucoup de nouveaux artistes et de formations ont émergé dernièrement, notamment TNVVNÜM, Põhja Konn, les projets d’Erki Pärnoja (Mai Nekk Hööts – avec des musiciens suédois – et Frank Frank) ainsi que Jakob Juhkam qui a commencé lorsqu’il était adolescent en tant que one-man band, et qui a attiré assez d’attention pour finalement monter un groupe, sans oublier des musiciens comme Maria Faust et Kadri Voorand qui font du jazz encore plus lourd et violent qu’un groupe de metal lambda.
Vous allez partir sur la route avec le groupe français Camembert, en passant par la France pour un concert au Triton aux Lilas, puis enchaîner par l’Allemagne au Freakshow Artrock Festival. Est-ce la première fois que vous visitez notre pays ? Comment avez-vous rencontré Camembert ?
C’est la troisième fois pour nous en réalité. A propos de Camembert, c’est leur guitariste Vincent Sexauer qui nous a découverts sur Internet et qui est venu à notre concert à Strasbourg il y a quelques années. Nous apprécions chacun la musique de l’autre et avons commencé à nous pencher sur des opportunités de jouer ensemble en Estonie, en France et n’importe où d’autre.
Est-ce facile pour un groupe peu commun comme vous de trouver des dates ?
Si on jouait plus que nous ne jouons déjà, on ennuierait tout le monde. Comme on ne s’est jamais limité à nous définir comme un groupe prog, nous nous produisons sur scène avec à peu près n’importe qui, n’importe où et pour notre plus grand plaisir. Toutes les scènes et tous les genres ont déjà été mélangés en Estonie, et plus personne ne se soucie vraiment de la musique jouée, mais plutôt de la manière dont tu la joues. Pour ce qui est des dates à l’étranger, touts nos concerts ont été organisés par une personne qui souhaite nous y produire. Certains groupes estoniens font tout par eux-mêmes et partent en tournée pour une douzaine de concerts, comme Talbot, un duo de doom qui sera cette année en France au mois d’avril.
Outre le nouvel album, quels sont vos projets pour le futur ?
Le groupe va sûrement continuer, même si certains d’entre nous enregistrerons avec d’autres personnes ou dans d’autres projets en route. Ce printemps, nous aurons certainement du pain sur la planche avec le Bad Dream Big Band qui est en résumé un orchestre électrique bruyant d’une douzaine de musiciens. Du free jazz mixé avec nos anciennes et nos nouvelles compositions en somme.
Un dernier mot pour les lecteurs de Progressia ?
La plupart des animaux sont capables de produire des sons qui surpassent carrément n’importe quel gadget digital utilisé en studio. Merci pour cette interview !