ENTRETIEN : ZOMBI | |
Origine : Etats-Unis Style : Space-Rock Formé en : avant 2004 Composition : Steve Moore – guitares acoustique, électrique et basse, synthétiseurs A.E. Paterra – batterie et synthétiseurs Dernier album : Spirit Animal (2009) | C’est avec beaucoup d’honnêteté et de gentillesse que Steve Moore, l’un des deux membres de Zombi, a bien voulu répondre aux questions de Progressia, à l’occasion de la sortie de leur nouvel album Spirit Animal. Le multi-instrumentiste revient sur l’aventure du groupe de manière très posée et montre avec modestie qu’il domine son sujet intelligemment. Des réponses claires qui permettent de mieux cerner ce duo talentueux !
Progressia : Zombi est un duo, mais nous avons peu d’informations vous concernant. Quel est votre background musical ? Comment en êtes-vous venu à fonder ce groupe ? Steve Moore: Nous aimons garder une part de mystère. A.E. Paterra et moi-même avons grandi à Pittsburgh, connue pour être la maison du célèbre réalisateur George A. Romero et de l’artiste d’effets spéciaux Tom Savini. Les films sont une grande partie de l’héritage de la ville : la trilogie des morts-vivants a été tournée presque entièrement dans cette contrée. Sans aucun doute, cela nous a affectés dans notre plus tendre enfance. Nous voulions utiliser un langage évoquant les musiques de films d’horreur plutôt que de partir des clichés et des tropes du « rock ». Musicalement, j’ai grandi en écoutant du rock, de la pop, du metal, du jazz : j’aime tous ces styles musicaux.
Quels sont les avantages à travailler à deux ? Le travail d’écriture est très simplifié. Nous écrivons tous les deux chacun de notre côté, de façon indépendante. Ainsi, j’écris une chanson, la joue pour A.E. qui me livre ses suggestions et idées en retour, et vice-versa.
Y a-t-il une satisfaction personnelle à réussir le travail de quatre ou cinq musiciens alors que vous n’êtes que deux ? Nous n’avons rien à prouver à quiconque sauf à nous-mêmes. Au fil des années, nous avons su nous adapter au fait que nous ne soyons que deux. Grâce à l’utilisation de drones, de séquences et d’arpèges, on peut créer des rythmes de fond avec nos synthétiseurs et ainsi ajouter par-dessus la basse, la guitare et les batteries. Sur un plan personnel, c’est vraiment très satisfaisant de créer de la musique aussi épaisse avec seulement deux personnes.
Comment vous répartissez-vous les tâches ? Et comment adaptez -vous les idées de chacun ? En général, mes responsabilités incluent l’arrangement de toutes les chansons, la production et le mastering du produit final. Je piste et enregistre tous les synthétiseurs, les guitares et les basses et j’écris cinquante pour cent du matériel. A.E. s’occupe de la partie percussion et ajoute occasionnellement quelques lignes de synthé. Il écrit aussi une grosse partie du matériel et fait lui-même les enregistrements de ses parties de batterie. C’est un processus très simple. Le temps fait défaut depuis que nous avons pris tous les deux de multiples responsabilités, mais ça vaut la peine que nous nous investissions.
Comment décririez-vous votre musique et, par la même occasion, votre évolution depuis vos débuts ? Je dirais que nous écrivons du rock instrumental. Nous avions l’habitude de nous définir en termes plus raffinés. Lorsque nous avons commencé, nous suivions de très près les sons de Goblin, John Carpenter et d’autres, mais depuis notre premier EP autoproduit, nous nous en sommes légèrement éloignés en incorporant des éléments de Tangerine Dream, Genesis, même Van Halen et Rush. Il y a vraiment trop de références spécifiques à inclure maintenant, et avec l’ajout de la guitare, c’est encore plus facile de juste nous définir comme du rock instrumental.
Pouvez-vous nous décrire ce nouvel album ? Je pense que c’est un album beaucoup plus chaud, plus organique que les précédents. J’ai incorporé plus de sons naturels comme de la guitare, y compris acoustique, du piano, de l’orgue, comptant moins sur les synthétiseurs pour remplir notre espace, notre spectre. Cela sonne également comme quelque chose de plus optimiste, plus positif. Nous ne nous sommes pas autant attardés qu’auparavant sur des strates sombres, austères et des ambiances sonores inquiétantes. Nous avons vraiment tenté d’essayer de nouvelles choses avec cet album.
Quel est le concept de Spirit Animal ? La musique peut représenter quelque chose de plus qu’un simple « intérêt », que des morceaux que l’on écouterait au volant ou en lisant son courriel. Elle peut être un bouleversement, quelque chose de motivant. Nous avons essayé d’exploiter certaines représentations mentales afin de créer un album qui, nous l’espérons, invitera les auditeurs à en faire autant. Notre but était de ne pas laisser l’image que nous avons de nous-même limiter nos capacités créatives.
Pourquoi représenter un éléphant sur la pochette alors que vous aviez choisi des paysages auparavant ? C’était l’idée de Jeremy Schmidt. Nous aimions beaucoup la couverture du nouvel album In The Future, de son groupe Black Mountain . Nous lui avons demandé d’écouter Spirit Animal afin d’aboutir à une représentation visuelle. Après quelques semaines d’écoute, il m’a proposé l’idée et je l’ai trouvée parfaite. Ni A.E. ni moi n’aurions jamais pensé à aller dans cette direction. Il a vraiment trouvé notre esprit animal !
Qu’est-ce qui, selon toi, rend cet album différent des précédents ? Tout y est différent. Cela fait presque cinq ans que nous avons écrit nos nouveaux morceaux. Nous avons changé de lieu de vie, jouons avec de nouveaux groupes, et avons donc d’autres sources d’inspiration dans nos vies. Acoustiquement, le son est plus chaud et accueillant. Certains taxent l’album de « new age ». Bien que cette étiquette soit un peu trompeuse, elle est beaucoup plus appropriée que celle de « rock de films d’horreur » dont on l’affuble habituellement.
Etes-vous conscients que Spirit Animal est plus personnel, moins chargé d’influences ? C’était notre intention. Nous avons essayé de trouver notre propre voix, notre propre esprit plutôt que de canaliser celui des artistes que je t’ai cités précédemment. J’espère que le public le remarquera comme toi !
Jusqu’où êtes-vous prêts à aller dans l’expérimentation avec Zombi ? J’aime l’idée que chaque album soit une nouvelle expérience. Je souhaite que notre musique continue à grandir et évoluer. Cependant, je ne veux pas que nous nous égarions trop loin de notre son original, unique à l’époque et qui, je pense, l’est toujours aujourd’hui.
Pourquoi votre EP Digitalis est-il si difficile à trouver ? Le fait d’éditer si peu d’exemplaires était-il voulu, ou avez-vous été victime de son succès ? Digitalis a été regroupé très rapidement par Relapse Records, lorsque nous avons réalisé que notre dernier album, Surface To Air, ne serait pas publié à temps pour la tournée prévue avec Isis. Nous avions du nouveau matériel à proposer sur cette tournée, mais l’album était encore en cours de mastering. Nous avons alors sorti une étrange boule de bits (NdlR : drôle d’expression) qui traînait. « Siberia » était une piste solo que j’avais enregistrée pour une bande son tombée à l’eau. Nous l’avons utilisée en même temps que « Sapphire », piste disco à l’italienne écrite pour le plaisir. Le CD a eu un certain succès, alors que nous n’avions fait aucune promotion pour sa sortie. Très vite, il a été patenté pour le vinyl et le morceau « Sapphire » a été autorisé à sortir sur diverses compilations disco/dance. Ce fut une énorme surprise pour nous !
Votre goût prononcé pour les musiques de films est évident. Quel rapport entretenez-vous avec le cinéma et quels sont les compositeurs que vous appréciez ? Je suis très inspiré par le cinéma, je regarde beaucoup de films. La façon dont les réalisateurs capturent les images est stimulante. Par ailleurs, lorsque vous voyez un grand film avec une belle partition, c’est très impressionnant de voir comment le compositeur a interprété la vision du réalisateur. J’aime les musiques de John Carpenter et celles de Tangerine Dream pour leur originalité, j’apprécie aussi celles que Stanley Kubrick et William Friedkin ont assemblées dans les années soixante-dix avec tous les éléments classiques, expérimentaux et électroniques du vingtième siècle. Plus récemment, j’ai vraiment eu plaisir à écouter Howard Shore et Philip Glass.
Vous êtes signés chez Relapse Records, n’est-ce pas un peu bizarre de voir une formation telle que la vôtre au milieu de groupes de grind et de death metal ? Oui, absolument. Cela a très bien fonctionné pour nous, Relapse savaient ce qu’ils faisaient en nous intégrant à leur catalogue, apprécié des fans de metal. Cependant, j’aimerais un jour aller au-delà de cette base-là. Je reçois beaucoup de courriels de gens qui n’écoutent pas de metal mais du rock progressif, et qui sont toujours choqués de ne pas avoir entendu parler de nous avant.
Justement, comment comprenez-vous le fait que les fans de rock progressif soient attirés par votre musique ? Nous avons une base de fans très éclectique. Malheureusement, je pense que les amateurs de rock progressif ne nous ont découverts que très récemment. Les huit dernières années, nous avons joué principalement pour les mordus de films d’horreur. Plus tard, nous avons commencé à voir des fans de metal shoe-gaze et de rock instrumental à nos concerts, particulièrement après nos tournées avec Isis et The Fucking Champs. Nous n’avons jamais mis en place une tournée américaine en tant que groupe de rock progressif, alors qu’il y a encore un très large public à conquérir. Avec notre expérience des tournées, nous devrions pouvoir compter sur d’autres moyens pour atteindre ces fans.
Vous n’avez pas encore beaucoup tourné en dehors des Etats-Unis et du Japon, l’envisagez-vous ? Nous avons joué environ dix dates au Royaume-Uni et quelques-unes un peu au hasard en Europe (Amsterdam, Anvers, Paris), il y a quelques étés. Nous serions ravis de revenir, mais c’est très difficile pour nous de trouver un moyen de faire venir en Europe nos équipements vintage, ou de louer exactement le même matériel dont nous avons besoin pour jouer notre répertoire (qui la plupart du temps est écrit spécialement pour répondre aux capacités de synthétiseurs bien spécifiques).
Un dernier mot pour les lecteurs de Progressia ? Espérons que vous apprécierez notre album ! Visitez aussi nos différents projets en solo, y compris mon projet pop/dance/disco Lovelock (signé sur Eskimo Recordings) et celui electro-progressif d’A.E. Paterra : Majeure !
Propos recueillis par Aleksandr Lézy site web : Zombi retour au sommaire |