Pain of Salvation – La route et ses virages
Origine : Suède
Formé en : 1984
Composition : Daniel Gildenlöw (chant, guitare), Johan Hallgren (guitare), Fredrik Hermansson (claviers), Leo Margarit (batterie), Per Schelander (basse)
Dernier album : Road Salt Two (2011)
Avec la sortie le 26 septembre dernier du deuxième volet de Road Salt, Pain of Salvation clôt une excursion dans des sons et références typiques de l’époque seventies. Excursion seulement ? Que comprendre de ces deux albums ? Rencontre avec Léo Margarit, batteur, français de surcroît, intégré au groupe alors que se profilait la composition de Road Salt.
Chromatique : A l’époque du recrutement, tu as dit que le groupe attendait de voir ton comportement dans un bus de tournée avant de t’inclure dans Pain of Salvation. Doit-on en conclure que tu as été sage ?
Léo Margarit : J’ai vraiment dit ça ? (rires) Je me rappelle que Simon, notre ancien bassiste, a commencé comme membre de session puis a été engagé définitivement, mais ça n’a pas été mon cas. J’ai été membre à part entière dès le début.
Voilà maintenant quatre ans que tu officies comme batteur pour cette formation. Comment t’y sens-tu ?
Après deux albums et quelques tournées, je dois dire que tout se passe très bien. Le groupe prend de plus en plus d’ampleur, et je suis maintenant bien intégré à la bande. Je pense que la plupart des fans, malgré quelques récalcitrants, m’ont bien accepté aussi. Donc tout va bien, et le meilleur reste à venir !
Lorsque tu as auditionné, t’attendais-tu à devoir jouer de la musique qui se rapproche parfois plus du blues que du metal ?
C’est un sujet que nous avions abordé avec Daniel avant mon audition… Il voulait vraiment que je sache à quoi m’attendre avant de déménager en Suède. Donc je savais que la formation prenait un tournant musical à ce moment-là, et c’est, à vrai dire, ce qui m’a séduit. J’aime la diversité musicale et le fait qu’un groupe puisse évoluer.
En quelle proportion Daniel Gildenlöw est-il capitaine à bord du bateau Pain of Salvation ? Comment vous accordez-vous autour d’une composition ? Comment définirais-tu ton apport au concept des albums ?
Le travail de composition est différent pour chaque morceau, en tout cas de nos jours. Certains sont composés et enregistrés de A à Z par Daniel, d’autres sont simplement issus de jam-sessions. On se retrouve dans notre local de répétition et on commence à faire le boeuf sur un de ses riffs. Là, chacun propose des idées avec son instrument, et ainsi on construit le titre au fur et à mesure. Je suis responsable de beaucoup d’arrangements rythmiques sur Road Salt One et Road Salt Two.
Sur Road Salt Two, on observe quelques hommages appuyés, comme « To the Shoreline » à Morricone. N’avez-vous pas eu peur de la comparaison avec certaines de vos influences sixties et seventies ? Comment avez-vous réussi à faire le lien entre ces influences et votre propre personnalité musicale ?
Je pense que quand la ressemblance est vraiment évidente, c’est presque de l’ordre de l’exercice de style. On pousse parfois le bouchon assez loin pour que les gens qui n’avaient pas remarqué le clin d’œil entendent la référence à coup sûr. Parfois cela devient même une sorte de parodie. C’est très amusant de chercher à incorporer tous les détails et clichés de la musique de Morricone, par exemple. Parfois une note ou un son te rappelle naturellement quelque chose d’autre. Il est alors facile d’ajouter ces éléments au passage du morceau original.
Les enregistrements dans ces années-là étaient souvent réalisés rapidement, en peu de prises. Était-ce également le cas pour Road Salt ? Avez-vous eu des difficultés à concilier cela avec votre tendance au perfectionnisme ?
Je ne peux pas vraiment dire que l’enregistrement ait été rapide et bâclé… On a surtout essayé de reproduire l’intensité de cette époque-là et le côté « réel » de la musique. A l’époque il n’y avait pas de Protools et autres auto-tune pour réparer les erreurs. On a donc rejoué tous ensemble jusqu’à satisfaction. La perfection ici n’a pas consisté à jouer parfaitement mais plutôt à parvenir à faire passer une certaine émotion dans la manière d’interpréter les titres. On n’a pas utilisé de click pour la plupart des morceaux, et si on l’a fait, on s’est basé sur le tempo des démos, qui n’étaient pas statiques puisque qu’elles avaient été enregistrées en live. Il nous est arrivé de garder des prises moins bonnes que d’autres mais qui avaient ce petit quelque chose en plus. Souvent l’imperfection est beaucoup plus intéressante…
Penses-tu que Road Salt laissera une trace indélébile dans votre répertoire ? L’album représente-t-il un véritable tournant ?
Je pense que la série Road Salt laissera un trace dans notre discographie, principalement parce que la direction musicale est réellement différente. Il y aura certainement un avant et un après Road Salt. C’est la musique que nous voulons produire en ce moment, malgré le fait que certains de nos fans déçus voudraient avoir du Remedy Lane encore et toujours. Il est difficile de contenter tout le monde donc je pense qu’il est important, en tant que musicien, de se faire plaisir avant tout.
Le dernier morceau de Road Salt Two, « Physics of Gridlock », présage-t-il d’un retour à des sonorités plus progressives ?
Malgré des aspects plus prog que le reste de l’album, ce morceau n’a pas la froideur typique d’un morceau de prog classique. Indépendamment de sa complexité, ce qui passe avant tout c’est l’émotion et la mélodie. C’est d’ailleurs un des plus anciens de la série Road Salt donc je ne pense pas que cela présage un retour au prog pur et dur !
D’ailleurs, pourquoi n’es-tu pas celui qui parle en Français sur « Physics of Gridlock » ? As-tu été consulté pour écrire la partie française ? Y a-t-il une part de second degré ?
J’ai reçu un coup de téléphone de Daniel un beau jour me demandant quelques conseils sur une traduction en Français sur laquelle il travaillait. Il y avait quelques petites erreurs mais globalement c’était quasiment parfait. J’ai demandé ce que c’était et il m’a dit qu’il voulait incorporer ce texte à la fin de « Physics of Gridlock », qu’il me recontacterait pour la prononciation. On approchait de la clôture de la session d’enregistrement. Quelques jours après il me faisait écouter l’enregistrement, sans m’avoir demandé quoi que ce soit. Il était déjà trop tard pour faire des corrections… Il y a quelques défauts mais c’est plutôt pas mal pour quelqu’un qui ne parle pas Français ! Concernant le second degré, je pense juste que comme beaucoup de gens, il aime la sonorité de notre langue et il a simplement voulu donner une autre couleur à la chanson.
Une part de second degré semble se retrouver malgré tout dans plusieurs morceaux de l’album. Road Salt est-il pour toi un pur hommage au passé, un regard critique ?
Il est vrai que très souvent, notre musique est à mi-chemin entre le sérieux et le comique/parodique. A vrai dire cela reflète bien la personnalité de Daniel… Très souvent ces blagues se trouvant dans les morceaux viennent de nos bœufs ensemble. Il y a toujours quelqu’un pour jouer quelque chose de complètement débile au milieu d’un morceau, souvent Daniel ou moi. Parfois ces détails stupides restent jusqu’à la version finale. Cela en brise le sérieux quelquefois pesant.
Certains groupes majeurs comme Opeth ou Mastodon tentent un retour aux sources, recherchant la sincérité et la spontanéité du son seventies. Comment interprètes-tu cette tendance ?
Ça me rappelle un peu la mouvance du début des années quatre-vingt quand des artistes comme Metallica sont arrivés, avec le ras-le-bol du glam rock et de la musique super produite. Actuellement tous les groupes de metal sonnent « anti-humain » au possible. Les batteries sont de plus en plus programmées plutôt que jouées, les guitares sonnent comme des synthétiseurs… Beaucoup doivent rechercher un retour aux sources, une musique vraie et organique avec une personnalité. J’aime à penser que Pain of Salvation a été parmi les premiers à faire ça, mais il est difficile d’en être sûr !
En novembre, nous aurons la chance de vous voir en France sur les mêmes dates qu’Opeth. Comment appréhendez vous cette « première partie » prestigieuse ?
Tourner avec Opeth sera pour nous une très bonne opportunité pour nous faire de nouveaux fans. Nous avons joué avec eux plusieurs fois dans le passé et il
semble qu’à chaque fois leur public nous ait appréciés, y compris ceux qui nous découvraient à cette occasion. En plus Mikael Åkerfeldt a l’air de beaucoup aimer Road Salt. Je pense donc que ça va très bien se passer !
D’autant que sur votre date parisienne, Le Bataclan n’est pas tout-à-fait le même format de salle, comparé à la très étroite Scène Bastille l’année dernière à la même époque…
La scène Bastille est en effet une petite salle et le concert avait été complet en quelques jours. Cela devait être la plus petite salle de notre précédente tournée européenne. Elle n’a absolument pas reflété les autres dates de la tournée…
Maintenant que le concept Road Salt forme un tout, il est évident que les fans espèrent vous voir jouer en live l’intégralité des deux volets. Est-ce envisageable ?
J’avoue n’avoir jamais pensé à ça ! Ça pourrait peut-être faire l’objet de quelques concerts spéciaux, en effet ! En revanche je ne sais pas si avoir une tournée entière dédiée à Road Salt One et Road Salt Two est réalisable dans un futur proche… On verra ce que l’avenir nous réserve !
Dans un autre registre, on a pu vous voir participer à l’Eurovision ; comment qualifierais-tu cette expérience ? Cela a-t-il eu des retombées ?
Avant toute chose je dois signaler que l’Eurovision en Suède, et en Scandinavie de manière générale, est bien plus populaire qu’en France… Tout le monde regarde et vote, cela fait partie de la culture. Christer Björkman, responsable des auditions, est tombé sur la vidéo d’un de nos concerts, « Undertow » en Turquie je crois, et il a beaucoup aimé. Il nous a demandé d’envoyer trois morceaux inédits pour la sélection au concours. On en a parlé entre nous et décidé de le faire. On avait Road Salt One quasiment prêt à ce moment-là. On lui a donc envoyé « No Way », « Sisters » et « Road Salt ». A notre grande surprise « Road Salt » a été choisi, alors que c’était vraisemblablement le morceau avec le moins de potentiel. Quoi qu’il en soit, nous avons eu l’opportunité de jouer notre propre musique dans l’émission musicale la plus regardée du pays et nous aurions été stupides de la refuser. Certaines personnes nous ont traités de vendus et j’avoue avoir du mal à comprendre cette réaction.
De ton côté, tu as aussi participé au projet de Ruud Jolie, For All We Know. Peux-tu nous en dire un peu plus sur cette collaboration, comment a-t-elle vu le jour, qu’en as-tu retiré ?
J’ai rencontré Ruud grâce à Simon, notre ancien bassiste, lors d’un concert en Hollande. Il adore Pain of Salvation et m’a parlé de son projet. Il m’a demandé si j’étais éventuellement intéressé. Après avoir écouté les quelques démos je n’ai pas hésité une seconde. J’aimais beaucoup la musique et la voix de Wudstick. J’ai enregistré les batteries en trois jours à Tilburg en Hollande et deux ans après l’album est enfin sorti. Je suis très fier d’avoir pris part à ce projet. J’espère qu’on fera une suite au premier album et qu’on aura une tournée à un moment donné.
(Léo a également enregistré les batteries pour Sam Arkan et son projet Epysode, prochainement dans nos colonnes, ndlr)
Bref, Road Salt est composé depuis déjà un certain temps… Doit-on s’attendre à un nouvel album très bientôt ?
Chaque chose en son temps ! Nous venons juste de terminer la production de Road Salt Two. Il est temps de partir en tournée. Après ça, nous recommencerons à composer. Je ne pense pas qu’on sortira un nouvel album avant 2013. Mais on ne sait jamais, Daniel en a peut être un de prêt dans son chapeau, qui n’attend que d’être enregistré !
Un mot de fin pour ton public français ?
Merci à tous pour votre soutien ! J’espère tous vous voir sur la route bientôt !
(Interview réalisée en collaboration avec Martial Briclot et Maxime Delorme)