ENTRETIEN : ANEKDOTEN
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Origine : Suède Style : rock progressif Formé en : 1991 Line-up : Nicklas Barker – chant et guitares Jan Erik Liljeström – basse Anna Sofi Dahlberg – claviers Peter Nordins – batterie Dernier album : A Time of Day (2007) |
Malgré plus de quinze année de bons et loyaux services à la cause progressive, Anekdoten n’a effectué que sa seconde date à Paris en mai dernier. C’est le Triton, décidemment toujours là lorsqu’il s’agit de défendre ledit mouvement, qui s’y colle. Une occasion pour nous de discuter avec son bassiste et son guitariste, Jan Erik Liljeström et Nicklas Barker, juste avant que ne débute ce (tellurique) concert. Un contraste avec le calme et la relative timidité de nos interlocuteurs !
Progressia : Comment considérez-vous A Time of Day, un an après sa sortie ? Nicklas Barker : (rires) Je crois qu’il a été plutôt bien reçu. A vrai dire, on ne sait jamais trop comment vont se passer nos sorties d’albums. Par exemple, nous avions eu droit à un scandale pour Gravity. Nous recevions des mails de personnes proclamant que nous étions des vendus ! Comme nous ne raisonnons pas comme devant « sonner plus commercial » ou l’inverse, nous ne savions vraiment pas à quoi nous attendre cette fois-ci… Jan Erik Liljeström : … et nous n’avons pas encore reçu de mails de plainte (rires) ! Par ailleurs, il est difficile de comparer un disque à un autre, notamment à cause des changements importants opérés dans l’industrie du disque entre temps. Nous savons que l’édition vinyle est épuisée, ce qui n’avait pas été le cas pour Gravity. Nous avons vendu au moins autant de CD. On peut en déduire que c’est un succès, même s’il est certain que des personnes ont téléchargé A Time of Day. Nicklas : Ce qui représente neuf à dix milles exemplaires vendus jusqu’à présent, ce qui n’est pas si mal. Je suis par ailleurs allé sur un des sites les plus connus de téléchargement, et j’ai constaté qu’il n’a été téléchargé que deux milles fois six mois seulement après sa sortie ! Jan Erik : Alors que nous sommes davantage connus qu’en 1995, nous vendons autant de disques, ce qui semble un peu paradoxal… Mais l’avantage reste que nous touchons plus de personnes dans tous les cas.
Au-delà des chiffres, pensez-vous avoir persévéré dans la veine plus pop et mélodique de Gravity ? Nicklas : C’est vrai que ce dernier album est très centré sur les mélodies, ce qui pouvait manquer un peu auparavant. Il ne faut pas négliger par ailleurs notre développement personnel en tant que compositeurs. Nous écoutons autre chose que King Crimson désormais, et cela va des Beach Boys à Stockhausen (NdlR : Nicklas avait déjà fait cette remarque lors de notre précédente interview).
Pouvez-vous nous parler cette mystérieuse pochette ? (NdlR : Nicklas interpelle Anna Sofi, en charge de l’aspect visuel du groupe) Anna Sofi Dalhberg : Le but de ce visuel était d’illustrer un sentiment paradoxal, entre l’éveil et l’assoupissement, comme une forme de lent mouvement vers une direction. C’est assez difficile à décrire avec des mots pour être franche.
Le personnage sur la pochette ressemble à une nonne… Ana Sofi : Oh non, ça n’a rien à voir (NdlR : nous expliquons qu’en France, ce genre de costume ressemble en tout point à un habit de nonne). En Suède, ces vêtements sont en fait des capes de nuit qu’on revêt lorsqu’il fait froid. N’y voyez aucune connotation religieuse !
Quelle est cette étrange console que vous manipulez sur les photos du livret ? Nicklas : C’est un vieux clavier anglais appelé « Putney », un VCS3 plus exactement si ma mémoire est bonne (NdlR : elle l’est puisque ce synthétiseur a été utilisé par Pink Floyd, Jean-Michel Jarre ou encore Yes dans les années soixante-dix). Brian Eno en avait un, King Crimson également sur certaines tournées qu’on peut entendre sur certains bootlegs de 1969 à 1971. Bref, je l’ai obtenu par un ami qui l’avait acheté aux enchères. Nous l’avons essayé en répétitions mais nous ne l’avons pas pour autant utilisé sur l’album.
Comment vous est venue l’idée de cette suite en deux actes, « A Sky About to Rain » suivi de « Every Step I Take » ? Nicklas : C’est arrivé lors de la phase de pré-production. Nous avons eu l’idée de coller cette conclusion à la fin du morceau principal alors que nous avions prévu une autre « coda ». On s’est rappelé de ce passage qui datait d’une précédente répétition et qui convenait bien mieux.
Sur votre blog, lors de l’enregistrement, vous parliez de « 30 Pieces » comme étant l’un de vos morceaux les plus progressifs… Jan Erik : C’est un morceau assez unique, à beaucoup d’égards, qui comporte des éléments inédits. Qu’est ce qui est vraiment progressif, me diras-tu ? (rires) Ce morceau est assez extrême dans sa manière d’empiler des passages très variés et de moduler les ambiances fréquemment. Nicklas : Il y a également l’utilisation d’un orgue que nous n’avions jamais vraiment employé auparavant.
Bous avez eu recours au moog et on notera le retour du violoncelle… Nicklas : Oui, nous les avons ajouté au dernier moment. Nous enregistrons la trame de chaque titre en studio, la question des arrangements se pose par la suite. Cela nous laisse le temps d’y réfléchir. Jan Erik : Il existe d’autres parties de moog jouées et enregistrées pour le dernier album, mais nous avons décidé de ne pas les inclure sur la version finale, pour préférer leur version au Mellotron (rires) ! Nous n’arrivons décidemment pas à nous en défaire !
Il est clair qu’Anekdoten est très connu pour son utilisation massive de Mellotron. N’avez-vous pas peur d’être quelque peu inféodé par cet instrument et ce son si particulier ? Nicklas : Tu as raison. Néanmoins et en toute franchise, nous n’en sommes toujours pas lassés. Je suis d’accord qu’il faut un minimum d’équilibre pour éviter de tomber dans le cliché. Prends un groupe comme Primus qui a étonné le monde entier avec sa signature rythmique si particulière, mais dont beaucoup ont fini de fans ont fini par jeter l’éponge après trois albums ; ou Stereolab et ce sentiment qu’ils réalisent inlassablement le même album encore et toujours… Jan Erik : … la différence avec Anekdoten, c’est que nous nous efforçons à chaque fois d’imprimer une direction donnée à un album. Il faut tout de même reconnaître une certaine forme de variété dans notre discographie et au sein même de chaque production même si certaines idées et sonorités propres peuvent revenir. Nicklas : Le mellotron sied à merveille et il reste des possibilités à explorer ave la très grande palette de sons reproduits par cet instrument comme le piano, la clarinette, les violons, etc. Cet instrument ne propose cependant pas de bonne garantie en concert même si nous n’en avons jamais rencontré avec le nôtre.
Quels sont les thèmes abordés par les paroles dont Jan Erik est l’auteur ? On pense au voyage et à l’évasion… Jan Erik : (long silence, suivi de rires) J’essaie de me rappeler ! Il y a davantage de thèmes religieux du fait d’avoir beaucoup écouté Sixteen Horsepower, un groupe que j’aime beaucoup et qui associe de nombreuses images bibliques que je trouve évocatrices. Difficile de parler du reste car j’écris vraiment d’après ce que je ressens sur le moment, et avec un peu de recul, j’ai toujours du mal à retrouver l’état d’esprit de l’époque. J’ai toujours été très impressionné par des artistes comme Peter Hammill ou Ian Anderson, capables de trouver et d’adapter des paroles à des morceaux instrumentaux gigantesques. Pour ma part, en trouver est rarement naturel et facile.
Beaucoup d’entre elles prennent une forme interrogative… Jan Erik : J’aime qu’on ne peut jamais apporter une réponse à tout, laisser une porte ouverte à l’interprétation, au questionnement, est un bon début pour permettre à l’auditeur de réfléchir aux paroles.
En terme de management, le groupe possède son propre label et démarche ses concerts date par date. N’avez-vous jamais songé à opter pour un label afin d’éviter ces démarches fastidieuses? Nicklas : Encore une question que nous nous posons souvent. On en parlait pas plus tard qu’hier soir ! Il y a toujours une ou deux offres qui se présentent comme c’est le cas actuellement avec une maison de disques. Nous y réfléchissons. C’est difficile de s’imaginer sur un label après tant d’années à tout faire nous-mêmes, à tout contrôler et l’idée d’abandonner notre pleine propriété sur les droits d’auteur nous fait assez peur ! Jan Erik : Disons qu’après quinze ans d’expérience avec le groupe, nous savons où aller, ce qui ne serait pas le cas si nous devions signer sur un label. Je ne sais pas cependant si nous serions en mesure d’aller beaucoup plus loin sans l’aide d’une telle structure… Avec l’âge, nous avons nettement moins de temps à consacrer à tout cela, avec parfois l’impression de faire le travail que d’autres devraient faire, et qu’ils feraient mieux que nous. Nicklas : Nous réfléchissons aux possibilités pour améliorer les choses, comme recruter un manager et / ou un tourneur en qui nous aurions confiance. Le label est une étape ultérieure. Nous connaissons quelques groupes qui, après avoir signé sur un label et vendu une dizaine de milliers de disques, se sont entendus dire que ce n’était pas assez et que leur prochain album ne serait pas financé. Ils ont finalement embaucher un avocat pour négocier le rachat de leurs propres droits sur les disques en question ! C’est également arrivé à Echolyn. En signant chez Sony, ils se sont séparés pendant un moment !
Quelle est la personne en charge des magnifiques éditions « papier », limitées et vinyle ? Est-ce une manière de récolter d’autres sources de financement ? Nicklas : Non pas vraiment. Disons que toutes ces éditions viennent de la maison de disques qui nous distribue au Japon, tandis que nous gérons directement la production des sorties en vinyle. A chaque fois que nous tournons là-bas, le label nous propose de sortir une édition spéciale ou un live. Si bien que nous avions indiqué que nous ne sortirions pas d’album en concert cette fois-ci, elle nous a soumis l’idée d’une boîte rassemblant nos albums, et qui est d’ailleurs vendu à nos stands sur cette tournée. Nous envisageons également de sortir un DVD live, mais le projet n’est pas vraiment avancé pour le moment.
Comment choisissez-vous les titres de vos setlists ? Jan Erik : Elles se dessinent lors de la préparation des tournées et lors des balances qui nous prennent en général des heures ! Nous préparons un répertoire d’une durée de trois heures environ, et composons notre concert du soir à partir de ces trois heures de musique : la setlist varie donc d’une soirée à l’autre. Pour ce soir, elle reste semblable au concert d’hier à part quelques extras rien que pour vous !
Comment s’est passé le festival Mellotronen, dont l’affiche était incroyable cette année ? Jan Erik : Formidablement bien. Nous avions la chance d’ouvrir le festival et ce concert fut un grand succès !
Qu’en est-il de Morte Macabre ? Quel est le film dont vous allez-faire la bande originale et comment sera-t-elle enregistrée ? Nicklas : Nous nous sommes effectivement reformés ! Nous avons joué au festival Mellotronen sur le « Mellowboat », en Suède et en Estonie l’an dernier : ce fut vraiment un bon moment pour les retrouvailles. Nous sommes prêts à enregistrer un nouvel album et c’est d’ailleurs prévu, ce sera la bande originale d’un film. Nous attendons encore quelques « rushes » du réalisateur pour nous en inspirer et débuter l’écriture.
Avez-vous le projet de remasteriser votre discographie ? Nicklas : Nous avons déjà remastérisé Nucleus. Vemod n’en a pas besoin car il faudrait le remixer entièrement, ce qui n’est pas à l’ordre du jour ! Quant à From Within, je le trouve très bien dans sa version actuelle !
Devrons-nous attendre encore quatre ans pour le prochain album ? Nicklas : A la fin de cette tournée de printemps, à part quelques dates éparses, nous ne jouerons plus en concert cette année afin de nous concentrer sur l’écriture d’un nouvel album : vous ne devriez donc pas attendre aussi longtemps que d’habitude !
Propos recueillis par Djul Photos live de Fabrice Journo
site web : http://www.anekdoten.se/
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