ENTRETIEN : UNIVERS ZERO | |
Origine : Belgique Style : Zeuhl / rock de chambre Formé en : 1974 Line-up : Daniel Denis – batterie Michel Berckmans – hautbois, basson Eric Plantain – basse Martin Lauwers – violon Peter Vandenberghe – clavier Kurt Bude – clarinette, saxophone Philippe Seynaeve – images et vidéos Dernier album : Implosion (2004) | C’est entre Paris et Marseille et au cours des festivals des Tritonales et du MIMI que Progressia a suivi Univers Zero et son leader, Daniel Denis, qui nous a accordé un entretien dense et rétrospectif, revenant sur la carrière de ce groupe mythique, et surtout sur son avenir, qui s’annonce sous les meilleurs auspices. Progressia : Le groupe a été fondé en 1974 et son premier album n’est sorti qu’en 1977, que s’est-il passé durant ces trois premières années d’existence ? Daniel Denis : Pour en revenir tout à fait au début, je faisais partie d’un groupe qui s’appelait Arkham. Nous avons joué en première partie de Magma en 1971 et Christian Vander nous a demandé, à Jean-Luc Manderlier et à moi, de venir jouer avec lui. Je ne suis pas resté longtemps, mais Jean-Luc est resté un an. Puis quand Arkham s’est séparé, j’ai décidé de former un nouveau groupe. À la toute fin d’Arkham, nous avons décidé de monter quelque chose en commun avec Claude Deron, un trompettiste. On a commencé à chercher des musiciens dans tous les genres et nous sommes tombés sur deux gars qui répétaient dans la même salle qu’Arkham, Roger Trigaux et Guy Seghers, à qui nous avons demandé de faire partie du groupe. Univers Zero a démarré un peu comme ça, tout en ne sachant pas trop ce qu’on voulait faire : on visait un truc à la Weather Report, un autre un truc un peu plus Magma, un autre un peu plus Mahavishnu… Nous avons beaucoup chipoté au début. Le groupe a commencé par s’appeler Nekronomicon, puis nous avons décidé de changer de nom. L’important était de trouver une certaine identité. De mon côté, je me suis mis à composer un petit peu, à trifouiller de gauche à droite et petit à petit, on a trouvé la direction qu’on voulait prendre, même si ça a pris pas mal de temps. C’était une espèce de patchwork de différentes musiques et d’ailleurs, je crois que ce n’était pas tellement une bonne idée de vouloir enregistrer quelque chose à ce moment-là. Après, Michel Berckmans est arrivé. À l’époque, il ne jouait que du hautbois. Evidemment, cela nous a donné d’autres perspectives au niveau du son, d’autant que comme nous n’avions plus de clavier, quelqu’un a décidé de nous prêter un harmonium. C’est ainsi que nous avons trouvé un son particulier, qui a abouti au premier disque, qui est encore un peu maladroit. Dès le premier album, on sent quand même un aboutissement … Roger Trigaux a commencé à composer des choses très particulières, et je m’y suis mis également. Petit à petit avec un travail d’équipe on est arrivé à obtenir ce résultat-là. On répétait également avec Patrick Hanappier, violoniste, qui habitait dans le coin… C’est donc tout un amalgame … Donc le son Univers Zero est peut-être plus dû à un concours de circonstance de rencontres de musiciens qu’à une véritable volonté … Il y a de ça… Mais nous étions également très branchés sur la littérature fantastique, la science-fiction etc. Il y avait une recherche d’ambiance, peut-être trop appuyée, ce qui nous a sans doute plus desservi qu’autre chose. On s’est trouvé un monde … En termes d’influences, d’un point de vue un peu plus musical, on cite souvent deux compositeurs classiques, Stravinsky et Bartok … Je dois dire qu’au départ, j’ai commencé par aimer la musique avant de vouloir en faire. J’écoutais surtout Jimi Hendrix, que j’adorais et que j’écoute toujours avec des frissons. Puis il y a eu la découverte de musiques différentes, la rencontre d’autres musiciens, etc. Tout ça, ça enrichit, et les choses sont venues presque évidemment. Comme Univers Zéro était une formation que je qualifierai de » rock de chambre « , on ne pouvait pas ne pas aimer des gens comme Stravinsky ou Bartok. J’ai découvert au fil du temps ce type de musiques … et c’est un peu l’équilibre de toutes ces influences de jazz, de musique contemporaine, de musiques de l’est ou orientales, qui a donné le spectre musical d’Univers Zero. Dans le processus de composition des premiers albums, est-ce que l’ensemble des différents instruments étaient pris en compte, ou aviez-vous une trame guitare/basse/batterie sur laquelle vous ajoutiez les autres instruments servant d’arrangements ? Notre système de travail à l’époque était assez laborieux. Je commençais à composer, puis je faisais essayer les parties que j’avais trouvées. Parfois, on répétait une seule phrase durant toute une journée. Enfin, j’avais déjà une idée bien précise de ce que je voulais entendre mais il fallait essayer. Je composais d’abord au clavier, j’enregistrais sur cassette et je transmettais ça aux musiciens. Maintenant, c’est très simple, je travaille sur ordinateur, j’ai tous les sons fictifs et je peux d’emblée avoir une idée du résultat final. Evidemment, les timbres particuliers comme ceux du basson me poussaient vraiment à l’époque à composer des pièces avec ces instruments-là, qui mettaient en avant notre spécificité. Un petit peu après, Univers Zero a intégré l’association RIO… Que retiens-tu de cette expérience ? L’idée de base était vraiment bonne, dans le sens où elle rassemblait des groupes de différents pays évoluant dans des styles proches. On se soutenait. C’était intéressant dans le sens où des groupes comme Samla Mammas Manna nous invitaient à venir jouer en Suède. Cela nous a permis de jouer dans d’autres pays. Mais il y avait aussi une petite connotation politique, ce qui ne nous plaisait pas trop. Les gens étaient peut-être plus portés sur un message. En tous cas les mentalités d’alors étaient fort différentes… De manière chronologique, on arrive à Hérésie, que l’on peut considérer comme l’album le plus extrême et le plus sombre d’Univers Zero en termes de thématique et de musique proprement dite. Ce genre de qualificatif te convient-il ? Quelque part, Hérésie était une réaction à tout ce qu’il se passait à ce moment-là, le résultat d’une volonté de se démarquer de tout ce qui était commercial, du rock anglo-saxon etc. D’ailleurs, cela nous a joué des tours parce qu’après, on était considérés comme un groupe morbide, ce que j’ai toujours refusé d’être. Pour ne citer qu’un exemple : pendant la séance photo d’Hérésie, on était tous totalement écroulés de rire. Cela dit, on jouait le jeu à l’extrême et même dans le groupe, certains ont poussé le truc trop loin, à un point pas très sain. C’est un peu comme dans les toiles de Bruegel : il y a des scènes de paysans très joyeux et à côté de ça, il a peint le Triomphe de la Mort. J’ai trouvé des images qui me fascinaient, ça n’avait pas une connotation sanglante… Ensuite sort Ceux du dehors… Univers Zero propose alors une approche un peu plus duale, avec des thèmes un peu plus joyeux et dansants… Oui, il aurait été triste de continuer avec un deuxième Hérésie. D’autant qu’à ce moment-là, il y avait vraiment une magie de groupe dans le sens où l’on travaillait très dur, tous les jours… il y a une sorte de magie qui ressort de cet album et comme tu le dis, il recèle de nouvelles trouvailles, de nouvelles couleurs, de nouveaux horizons, très rythmiques… Pour moi, c’était la continuation de ce qui s’était passé jusque-là. J’ai découvert la musique de l’est aussi, que j’ai beaucoup utilisée pour ses rythmiques et sa conception de la musique. Les gens croient que, parce que l’on fait des rythmiques compliquées, c’est un truc intellectuel. Mais ce n’est pas du tout le cas. Quand tu écoutes les musiques des pays de l’est, les musiciens improvisent des trucs pas possibles , mais rien n’est intellectualisé ! Sur cet album, on entend quelques voix en fond sonore. Comment tu expliques que ce soit un aspect qui n’ait jamais été repris, et que le chant n’ait jamais été intégré dans la démarche d’Univers Zero ? On a eu, à un certain moment lors de l’élaboration du premier album, un type qui s’appelait Emmanuel Nicaise, aujourd’hui décédé. On a essayé de travailler avec du chant, mais tout de suite, ça faisait penser à Magma. Et on ne savait pas trop comment faire, ni s’il fallait changer de langue… Bref, on ne savait pas de quelle manière d’utiliser la voix, alors on l’a intégrée de façon discrète… Entre 1980 et 1983 sortent divers titres, composés en trio ou en quatuor et récemment regroupés sur Crawling Winds. Pourquoi ces titres n’ont-ils pas abouti à un album studio ? Es-tu finalement heureux de les voir à la disposition du public aujourd’hui ? Il me semble qu’à l’époque, on enregistrait à Kirschberg en Suisse. On avait ce plan grâce à Andy Kirk et je crois que la personne qui s’occupait du studio a dû partir brusquement en Australie. On a donc eu des difficultés à pouvoir enregistrer dans de bonnes conditions avec un ingénieur du son. Ca a très certainement joué. Quant aux autres titres, c’était un projet qu’on avait fait pour un cinéaste belge qui voulait faire un documentaire sur les façades de Bruxelles. Il voulait qu’on mette la musique sur son travail, mais il s’est avéré qu’il n’avait pas de budget. Cela signifiait pour nous de travailler pour des prunes. Or, on avait commencé le boulot (ce qui est devenu Le triomphe des mouches). On s’est donc arrêté, et c’est comme ça que des petites choses ont vues le jour sans être vraiment abouties. Crawling Winds est une commande de Recommendate Records, au Japon, qui nous avaient demandé de faire un maxi 45-tours. C’est à ce moment-là qu’on a composé Toujours plus à l’est. On a décidé de l’enregistrer chez un ancien musicien qui avait un studio assez confortable. On a tout envoyé au Japon, ils ont sorti le vinyle et… on n’a jamais plus eu de nouvelles, ni royalties ni rien, ils ont disparu dans la nature… et puis voila. On avait gardé les masters, ce qui a permis de les renvoyer à Cuneiform avec d’autres petites pièces qu’on avait gardées. Est ce que vous avez encore d’autres choses susceptibles de ressortir ? Il existe des choses sur des cassettes, donc pas très utilisables. Je n’ai jamais été très vigilant, on a toujours enregistré sur des petits bazars pour les concerts… Par exemple, pour le dernier concert, en 1986, au festival de jazz de Francfort, les organisateurs ont enregistré en vingt-quatre pistes, mais je n’ai jamais eu les bandes. Je n’ai jamais non plus cherché à obtenir les masters. J’étais vraiment négligent à ce niveau là. Maintenant, ce n’est plus pareil… Si je voulais faire de l’archéologie, il y aurait moyen de retrouver des choses intéressantes, mais je m’intéresse plutôt à ce qui va venir. Le passé, c’est bien, mais ce n’est pas l’essentiel. Uzed, en 1984, est intégralement composé par tes soins, et frappe d’emblée par la modernisation du son, notablement des claviers. Sentais-tu qu’il était temps pour Univers Zero d’évoluer vers d’autres territoires, ou de se rapprocher de la technologie de son temps avec cet album, puis avec Heatwave? Disons que c’était une évolution naturelle. Et puis Jean-Luc Plouvier, qui est un claviériste assez doué, était très disposé à faire des choses techniquement difficiles. Il n’y a pas vraiment de volonté spéciale. La musique a peut -être pris une connotation moins typée au niveau du son, puisqu’il n’y avait plus le basson, mais les choses ont évolué d’elles-mêmes. Heatwave n’est pas forcément un bon souvenir personnel, mais la réalisation du disque n’en n’a pas été affectée. L’album correspond au moment de la scission du groupe. J’avais décidé cette séparation après le festival de jazz de Francfort en 1986, mais puisque le projet de ce disque avait été décidé auparavant, on a finalement réalisé cet enregistrement. Quelles sont les raisons qui t’ont poussées à mettre fin à Univers Zero en 1987 ? Nous n’avions plus le même état d’esprit que pour Ceux du dehors. Mais il y a eu aussi le poids des problèmes financiers, qui étaient vraiment quelque chose d’incroyable, le manque de management (que j’éprouve encore actuellement), et la non-cohésion du groupe… Tout ceci a fait que j’en avais un peu ras-le-bol et je pense que j’en étais arrivé assez loin, car pendant un an, ensuite je n’ai pas joué une seule une note… Heureusement, c’est revenu depuis. Bref, beaucoup trop de charges et de responsabilités… Quand le groupe s’est arrêté, l’ingénieur du son Didier de Roos m’a proposé de faire des enregistrements un plus expérimentaux en dehors d’Univers Zero et c’est ainsi que sont nés les deux projets Sirius and the Ghosts et Les eaux troubles, qui pour moi restent des expériences sans être véritablement des albums… Il y a de très bonnes idées mais qui ne sont pas abouties, justement parce que je n’étais pas entouré de musiciens… Je voulais expérimenter de nouveaux sons, et faire des choses que je n’aurais pas osées avec Univers Zero. if ($page2 !="0") {echo' ‘.$titre.’ part. 2‘;} ?> Lorsque l’on lit les biographies du groupe, tu apparais comme un leader charismatique, presque omnipotent et a contrario, lorsque tu parles, on sent que l’esprit de groupe est au cœur de tes motivations… Malgré le fait que ce soit toi qui composes les choses les musiciens apportent toujours leur personnalité, leur connotation sonore… C’est le cas de la nouvelle formule du groupe et, je suis ravi d’être tombé sur des musiciens de cette qualité. Tout au début, avec 1313, quand Michel est rentré au basson, c’était vraiment très enthousiasmant … Les motivations qui t’ont poussées à reformer Univers Zero peuvent donc avant tout être résumées au fait que tu aies pu trouver les personnes adéquates ? Non, c’est surtout du au fait que j’ai joué avec Art Zoyd pendant six ans, sur leur série de projets de musiques de films, avec Faust, Nosferatu et Häxan. On a joué un peu partout, au Japon, à Hong-Kong, en Australie… à chaque fois les gens venaient me trouver et me disaient qu’ils trouvaient dommage qu’Univers Zero n’existe plus. Cela m’a donné l’idée de rechercher à nouveau des gens. Je ressentais un manque… j’avais besoin de projeter à nouveau cette musique sur scène, et le Nearfest nous demandait depuis quatre ans de venir jouer. Il nous a fallu retrouver des gens avec une énergie forte… Michel était d’accord, c’est donc allé assez vite. Pendant les répétitions acoustiques, il fallait être sûr que ça plaise à tout le monde et que le niveau technique suive aussi. Je craignais cette difficulté de trouver les musiciens adéquats, surtout qu’ils viennent de tous les horizons et qu’ils ont parfois découvert la musique d’Univers Zero au moment où ils ont rejoint le groupe. Certains d’entre eux ne connaissaient pas cette musique, ils en avait juste entendu vaguement parler… Les morceaux du nouvel album de l’époque, The Hard Quest, puis des albums suivants, sont plus courts, et les thèmes développés semblent plus accessibles qu’auparavant. Comment expliquer cette évolution ? Ce n’était pas voulu mais je pense que je ne voulais plus faire… je ne sais pas… je pensais pouvoir mettre tout ce que j’avais à dire en cinq minutes au lieu d’en prendre dix pour l’exprimer. Je voulais faire des morceaux plus courts. Sur les trois derniers albums, le titre le plus long dure neuf minutes… Mais en même temps, quand tu composes, tu ne te dis pas » je vais faire un morceau de trois minutes « … Sur Implosion, le coté court des titres est encore plus accentué… Exactement ….The Hard Quest était un redémarrage, on n’était pas arrivé alors au sommet que représente Implosion. C’était délicat car après plusieurs années, il fallait sauvegarder un certain son… là, c’est tout à fait expérimental parce que Philippe, qui bosse avec Art Zoyd, en était à son tout premier enregistrement… il s’est vraiment bien débrouillé, même si on a eu des problèmes de studio … Sur Rythmix, on trouve cet autre aspect de la musique d’Univers Zero, une union entre musique organique et électronique, afin de créer des rythmes particulièrement sophistiqués. Cet album est-il une sorte d’exercice de style ? Depuis le départ, c’est une musique construite sur les rythmiques… Mais je voulais offrir une palette très large . J’aime bien les peintures où il y a plein de choses à voir… La volonté de montrer le maximum de choses. C’est aussi dû au fait que chaque morceau ait une instrumentation différente, ça donne cette connotation très » lâche » sur les couleurs, mais c’était voulu. Avec Implosion, j’ai beaucoup travaillé les samples, j’ai essayé d’équilibrer ça avec les instruments acoustiques… Et comme je venais d’un groupe qui n’utilisait presque que ces techniques, j’y étais habitué et j’ai trouvé que ça pouvait vraiment bien s’intégrer dans la musique que je composais… Pour toi, Implosion est un tout cohérent, le lien étant fait par des petites plages courtes, des petites passerelles entre les morceaux qui servent aussi pour le spectacle. D’où est venu l’idée d’ajouter sur scène cette dimension visuelle ? Pour revenir à la scène, je voulais quelque chose de plus. J’ai rencontré Philippe Seynaeve il y a deux ans, sur un projet de théâtre dont je devais faire la musique. Le projet n’a pas abouti, mais nous sommes devenus amis. Ce moment coïncidait avec la reformation du groupe et, pour ajouter une dimension supplémentaire à la musique, je lui ai demandé d’y ajouter sa vision. Les images qu’il projette ne sont pas représentatives de la musique mais sont sa propre vision de ce que la musique représente. Je trouve ça intéressant, parce que ce procédé peut permettre à diverses personnes de mieux rentrer dans la musique. C’est une dimension que tu souhaites continuer à développer ? Oui, pour un bon moment maintenant, car ce sont les concerts qui manquent. On se retrouve toujours face aux mêmes problèmes de management. Il faudrait trouver quelqu’un ou une agence suffisamment fiable qui s’occupe du groupe. Là, je fais tout moi-même, et le problème est qu’avec les simples cinq concerts qu’on a eus depuis notre retour scénique, ça m’a pris un temps fou, entre les dossiers et tout le reste. Et pendant ce temps là, je ne fais pas de musique, ce qui est assez frustrant : je voudrais vraiment trouver quelqu’un pour s’occuper de ces aspects. Mais cela dit, on peut être optimiste : je me rappelle d’une interview à l’époque de The Hard Quest où tu considérais qu’il était impossible de porter à nouveau Univers Zero sur scène… et finalement… C’est quand même difficile de prospecter toi-même. Il nous faudrait quelqu’un d’extérieur, je ne suis ni ne serai jamais businessman. Nous avons des exigences sur scène, les éclairages, la vidéo… Tout ceci demande une importante logistique et des cadres de concerts importants. Le Triton était une exception parce que c’est une salle très petite, mais ce qui m’a séduit, c’est que ce sont des gens très énergiques et qui veulent créer quelque chose, avec de belles programmations et une super organisation… Il faut aussi être souple et savoir s’adapter… La musique est le plus important. C’est pour cela qu’il nous est aussi arrivé de jouer en Hollande en plein après-midi, sans vidéo. Peu de groupes auraient accepté de jouer dans ces conditions, mais on a envie d’être sur scène et jusqu’à présent tout s’est très bien passé. Pourvu que ça suive ! Nous avons une date dans un festival au Portugal prochainement… Le plus dur est de montrer qu’on existe… Passons à Implosion : c’est un album assez abouti, mais il y a, au niveau sonore, une certaine rigidité, et on peut même penser que les compositions sont un peu trop écrites… Ici, c’est le facteur temps qui entre en compte… je dois donc écrire les morceaux de manière très précise, ce qui laisse très peu de place à ce qui est flexible. Ensuite, que ce soit Rythmix, The Hard Quest ou Implosion, le système est le même : chacun vient enregistrer sa partie, à partir de ce que j’ai composé… du coup, j’ai déjà, lorsque les musiciens viennent enregistré, tous les claviers et la batterie, etc… C’est sans doute cela qui donne ce manque de flexibilité de la musique. d’un autre côté, cette démarche est intéressante, et on pourrait finalement la rapprocher de celle d’Art Zoyd… Art Zoyd m’a beaucoup influencé, par leur manière de travailler et d’utiliser les samplers, que je cependant trouve beaucoup trop présents, surtout depuis le départ de Thierry. Tout cela me donne aussi l’occasion de dire que pour moi, c’est quand même intéressant d’avoir un groupe qui existe, pour revenir justement à coté plus » live « . Cependant, il fallait que je le fasse : avec les ordinateurs, tu peux aller plus loin dans ton travail car tu peux avoir d’emblée un résultat approchant le résultat final, ce qui te donne une idée quant à la finalisation de ce que tu écris. J’aimerais bien faire un album live avec les titres de nos trois derniers albums : cela permettrait de donner aux morceaux une dimension totalement différente. Univers Zero, ce n’est pas seulement une musique rigide sur disque… c’est aussi une musique où il se passe plein de choses. Lorsque tu as pensé Implosion, avais-tu en tête une idée presque cinématique, ou au moins des images ? Non pas vraiment, car les images viennent avec la composition spontanée. C’était en revanche le cas avec Hérésie, où là, j’avais en tête de reproduire des images, des tableaux, certains films, des choses comme ça. Pour les trois derniers disques, le climat vient avec la composition. Si tu as une petite image en tête, la composition va se développer avec telle ou telle ambiance, dans telle ou telle direction. [Philippe Seynaeve, images, se joint à nous pour terminer l’entretien] Philippe, quelle est ta vision de la musique d’Univers Zero par rapport à ton travail sur les images ? Philippe Seynaeve : Les choses se sont faites difficilement au départ… La première fois que j’ai écouté Univers Zero remonte à il y a environ trois ans, quand on s’est rencontré, Daniel et moi, pour un spectacle. On ne se connaissait pas du tout, il ne connaissait pas mes images, je ne connaissais pas sa musique, et on a dû travailler ensemble sur ces bases. Malheureusement le projet ne s’est pas fait, mais quelques mois après, Daniel m’a appelé pour me demander de réaliser un clip pour une de ses compositions dans le cadre d’un festival à Mons avec Art Zoyd et Jean-Paul Dessy. C’est à partir de ce moment-là que j’ai commencé à écouter, beaucoup écouter, imaginer, réécouter, toujours écouter. La réalisation lors de ce spectacle a été très bien accueillie et puis l’année suivante, c’est moi qui ai rappelé Daniel : j’avais reçu une invitation du forum des images à Paris pour réaliser un spectacle multimédia et musical… J’ai naturellement fait appel à Daniel. Nous avons monté un spectacle d’à peu près une heure avec beaucoup d’images, et Daniel aux percussions. Ca s’est très bien passé, le dialogue entre images et musique a vraiment bien fonctionné. Daniel m’avait donné quelques idées par rapport à certaines ambiances qu’il voulait mettre comme images et après cette expérience, l’idée a germé d’une tournée avec vidéo. Ce qu’on voit donc maintenant, c’est aussi le fruit du travail d’une grosse année, de longs dialogues, parfois d’un peu de tensions… mais je pense que dans la création il y naturellement a beaucoup de tension et plus il y a de tension plus le travail avance. Les compositions étaient prêtes, il n’y avait plus qu’à mettre les images sur la musique, mais cela demandait énormément de travail, entre écoutes, recherches d’ambiances, recherches de couleurs… Les images ont vraiment été recherchées par rapport à la musique, par rapport à ses ambiances, avec des directives de Daniel. Pour Bonjour chez vous, il m’avait demandé de mettre des images de cette fameuse série culte, Le Prisonnier, avec Patrick McGoohan, dans laquelle on entend souvent la phrase » bonjour chez vous « . Il y a ainsi des choses qui sont venues d’office, et d’autres pour lesquelles j’ai travaillé plutôt dans l’abstraction ou dans l’ambiance, avec des musiques plus intérieures. Daniel Denis : La difficulté c’est de ne pas trop imager la musique, de ne pas donner une version trop illustrative. Ce qui est bien avec Philippe, c’est qu’il a pu trouver sa vision à lui et apporter un peu d’abstraction, tout en parvenant à fixer ce que la musique dégage. Philippe Seynaeve : Je pense que l’image n’a pas de rôle pédagogique à tenir vis-à-vis de la composition. Ce n’est pas une illustration, c’est quelque chose en plus, c’est un dialogue entre la musique, les images et le spectateur : le spectateur peut se faire une idée de la musique en fonction des images, alors qu’il s’en serait faite une autre sans… à l’arrivée, il y a vraiment un dialogue qui s’intègre, qui se construit. Et c’est là que réside la difficulté. J’ai même changé des images après quelques concerts, car ça ne fonctionnait pas bien avec l’ambiance générale. Il y a une gradation dans l’image, et aussi une écoute visuelle de la musique qui est importante. Nous parlions à l’instant d’Implosion et de ces images… Qu’est ce que cette musique t’a évoqué, comment as-tu travaillé pour créer les images de ce disque ? Philippe Seynaeve : Certaines choses sont venues assez rapidement, comme je travaille beaucoup dans l’abstraction depuis une vingtaine d’années, et que je fais de la peinture, de la vidéo, de la photo. Il y a des tonalités qui vraiment fonctionnaient bien, et sur lesquelles j’avais envie de mettre des images sur l’origine du cinéma, par rapport à mon propre travail… Des dissonances, des atmosphères qui allaient très bien pour ces images-là, que j’ai donc insérées. Ce qui est intéressant, ce sont les petites atmosphères de quelques secondes, les transitions qui te permettent de passer d’un univers à un autre, de voyager dans le disque, et je pense qu’avec le concert ces petites atmosphères apportent beaucoup… Il y a une partie improvisée ? Philippe Seynaeve : à chaque concert, il y a une partie improvisée, car j’ai une banque de données d’images que j’ai vraiment collées à la musique, peut-être pour en faire un DVD plus tard. Ces images ont été découpées et allongées pour le live, ce qui me permet donc de faire des mixages en direct. Daniel Denis : En fait, quand on est sur scène, les morceaux sont très structurés, mais le tempo change beaucoup. Ce n’est pas comme un morceau de classique, qui est hyper strict au niveau du tempo… Du coup, Philippe doit un petit peu s’adapter à la spontanéité du moment. Philippe Seynaeve : À chaque concert, les images de base sont là, mais le mixage est totalement différent par rapport à l’ambiance, aux soli de certains musiciens, etc. Propos recueillis par Aleks Lézy et Djul site web : http://www.cuneiformrecords.com/ retour au sommaire |