ENTRETIEN : DIRGE

  Origine : France
Style : Post rock / metal
Formé en : 1994
Composition actuelle :
Marc T. – guitares, chant et samples
Alain B. – batterie et guitares acoustiques
Christophe [zomb] D. – samples
Stéphane L. – guitares
Christian M. – basse
Dernier album : Wings of Lead Over Dormant Seas (2007)

Auteur d’une musique en mutation permanente, Dirge est un groupe qui surprend, dans le bon sens du terme. Après un Wings of Lead Over Dormant Seas aussi vaste et contemplatif que son titre le laisse penser, nous avons voulu en savoir plus sur cette formation qui, petit à petit, se taille une reconnaissance à la hauteur de sa musique. Aussi accessibles que talentueux, les membres font le bilan après cette sortie relativement marquante.

Progressia : Tout d’abord, comment définiriez-vous votre musique ?
Stéphane L. :
Organique et tellurique.

Avec votre dernière production, un double album très ambitieux, n’avez-vous pas peur de déconcerter vos fans ?
Alain B. :
La dernière sortie datait de 2004, cela fait quand même un peu plus de trois ans ; on espère donc, au contraire, que ceux qui nous aiment et nous soutiennent seront contents de ce nouveau double album ! Et, jusqu’à présent, nous n’avons eu que des retours positifs.
Stéphane L. : Je pense que les gens qui apprécient Dirge, qui « comprennent » notre musique, ne seront pas totalement déboussolés par cet album. Ils savent que nous n’écrivons pas de chansons de deux minutes trente, que nous ne jouons pas à 220 BPM et que nous ne nous sommes sûrement pas acheté de ukulélés entre temps.

Comment s’est déroulée la composition du morceau-titre «  Wings of Lead Over Dormant Seas  » ? Aviez-vous une idée précise de sa forme avant, notamment concernant sa durée (une heure !) ?
Marc T. :
Non. Au départ il y avait deux idées de morceaux différentes. En travaillant sur la première, on s’est aperçu que le titre serait trop long pour être sur l’album. Et comme on tenait impérativement à ce qu’il y soit, on a décidé de faire un double. A partir de là, nous n’avions plus de contraintes de temps, ce qui nous a permis de retravailler le titre en profondeur et j’ai alors pensé qu’il serait idéal de mixer les deux idées.

Dans quel état d’esprit étiez-vous au début de la composition de cet album ?
Marc T. :
Il n’y a pas eu de début à proprement parler, nous composons de manière quasi continue. De toutes façons, l’état d’esprit « Dirge » est toujours le même depuis le départ et nous avançons dans notre travail avec le plus de plaisir et de sincérité possibles.
Stéphane L. : Disons qu’à mesure que le travail de composition avançait, je dois avouer personnellement que, de temps en temps, j’avais la sensation que nous montions une sorte de peplum, si tu vois ce que je veux dire. Même si nous n’avions pas conscience de l’aspect « ambitieux » de Wings Of Lead Over Dormant Seas (on ne l’a d’ailleurs jamais considéré comme tel), je dois dire que cet album m’évoquait parfois un gigantesque chantier. Mais, à l’arrivée, je pense que ce n’était qu’une vue de l’esprit, attendu que l’écriture et la mise en place des six titres n’ont pas franchement différé par rapport à …And Shall the Sky Descend.

Le résultat est-il conforme à vos attentes ?
Marc T. :
Oui et non. Bien sûr, on aime cet album, sinon il ne serait pas sorti, mais tu vois, quand tu travailles sur un projet comme celui-ci avec très peu de moyens, c’est dur. Cependant, on a été au maximum de nos possibilités avec les moyens dont on disposait.
Stéphane L. : Il y a toujours des choses qu’on aimerait corriger, modifier, maintenant qu’on a un peu de recul. D’un autre côté, le fait de devoir enregistrer sous certaines contraintes de temps permet aussi d’obtenir des résultats intéressants, un rendu brut et plus « urgent ». On gagne en tripes et en intensité ce qu’on perd en fines retouches et autres broderies (parfois superflues).

Il semble que vous vous éloigniez de plus en plus du metal, au profit d’une musique plus contemplative. Pourquoi avez-vous pris cette initiative ?
Marc T. :
Je ne suis pas vraiment d’accord, mais c’est ton point de vue. Peut-être est-ce le deuxième CD qui donne cette impression car c’est un morceau long qui recouvre plusieurs ambiances…. Mais, tu sais, Dirge n’est ni « metal », ni « ambiant », c’est tout cela en même temps, c’est un univers qui regroupe tous ces éléments…

Avec cet album, pensez-vous conquérir un nouveau public, amateur de musiques plus expérimentales ?
Marc T. :
On n’y pense pas. Nous travaillons sur Dirge pour nous-mêmes. On ne s’occupe pas du public ou des modes, ce n’est pas notre problème. Si le public accroche sur notre musique, tant mieux, mais de toutes façons, on continuera toujours à faire ce que l’on aime, public ou pas.
Stéphane L. : Ceci dit, je trouve à titre personnel qu’il est assez plaisant de voir des gens réussir à s’immerger dans un univers que tu as façonné à ton image, sans jamais avoir eu recours aux lumières de l’extérieur. Que des personnes hors du cercle fermé du groupe comprennent notre musique, suivent notre démarche, est une sensation gratifiante, à défaut d’être « motivante ».

Vos morceaux sont, pour la plupart, assez longs, et éloignés des structures habituelles. Est-il difficile d’assumer une telle orientation artistique, assez radicale dans l’esprit ?
Stéphane L. :
A ce stade de notre évolution, nous ne saurions composer quelque chose dans un format plus standard. On ne fait pas dans l’exercice de style, pas plus qu’on ne recherche l’extrémisme absolu en terme de longueur ; c’est juste que nous avons simplement besoin de beaucoup de temps pour développer notre musique, installer une ambiance, déployer une atmosphère. Certains groupes n’ont pas besoin de plus de deux minutes trente pour s’exprimer. A l’inverse, pour un groupe comme nous, le chemin est beaucoup plus long et tortueux. Et, comme dit plus haut, le regard des gens n’a pas de poids sur notre manière d’être, en tant que groupe. Nous assumons donc totalement notre orientation musicale car elle renvoie directement à ce que nous sommes, en temps que personnes et en tant qu’« artistes ».

Pour en arriver à sa forme actuelle, Dirge est passé par beaucoup de styles (indus, noise…). Pourquoi de tels changements ?
Stéphane L. :
Je ne suis pas tout à fait d’accord. Le groupe a, c’est vrai, commencé dans une veine plus typée metal industriel mais l’évolution a, par la suite, été très progressive pour arriver au Dirge de 2007. Nos influences ayant elles aussi naturellement évolué (surtout si l’on prend en compte les départs et les arrivées dans le groupe), il est normal que petit à petit le son des premières démos ait été relégué au second plan au profit de nouvelles aspirations. C’est ce qui explique le durcissement des guitares, les tempos de plus en plus ralentis, les pièces de plus en plus longues et atmosphériques. En fait, Dirge est comme une machine abandonnée et rendue à la nature sauvage. L’organique a petit à petit dévoré l’électronique. En fait, je trouve que de la première démo jusqu’à ce nouvel album, l’évolution du groupe a épousé une courbe totalement cohérente.

Donnez-vous de l’importance aux improvisations ?
Alain B. :
Bien sûr. Nous avons une musique qui ne demande qu’à vivre différemment en fonction de notre inspiration. Alors, il y a toujours des parties qui sont fixes et d’autres dont on ne sait jamais à l’avance comment elles vont évoluer, ni même durer.

La musique que vous écoutez est-elle différente de celle de Dirge ?
Marc T. :
Pour ma part, j’écoute un peu de tout, ça va du classique à la musique électronique, en passant par des B.O. Voire des trucs pop mais c’est franchement très rare…
Alain B. : C’est assez large. J’écoute aussi bien Neil Young que les Beatles, Pink Floyd ou un peu d’électro…
Stéphane L. : Cold-wave, gothic-rock, metal extrême, indus, dark-ambient, dark-folk, shoegaze, pop…

Votre musique comprend beaucoup d’atmosphères et de particularités sonores. Comment faites-vous pour reproduire ces effets en live ?
Alain B. :
Tu sais, ça fait partie d’un ensemble. On ne se pose même plus la question. On recrée sur scène la même alchimie à l’aide de nos instruments, nos effets, les samples … Car, au final, il n’y a pas tant de pistes enregistrées que ça sur album. Et puis, en conditions live, nous avons les images projetées qui renforcent ce côté « atmosphérique ».
Stéphane L. : Les live de Dirge ne sont volontairement pas des reproductions ultra fidèles des albums, en ce sens que certains aspects disparaissent en live (pour des raisons matérielles ou par parti pris) tandis que d’autres apparaissent, se transforment, s’étirent ou se réduisent… C’est une musique vivante qui prend sa pleine expression sur scène.

Quel est votre avis sur la scène post-rock et post-hardcore française ?
Alain B. :
A vrai dire, on n’a pas trop de relations avec des groupes français, à part quelques exceptions… et puis je ne suis pas trop porté sur les appellations « post-rock » et « post-hardcore ».
Stéphane L. : C’est vrai qu’au final nous ne fréquentons pas de groupes français, mis à part les Kill The Thrill avec lesquels nous avons une affinité particulière. Ceci dit il y a un bon paquet de groupes talentueux en France (passés ou présents), avec lesquels nous nous sentons connectés : Hint, Proton Burst, Bästard, Overmars, Year Of No Light, SUP, Von Magnet, Mimetic, Sleepers…

Un dernier mot pour les lecteurs de Progressia ?
Alain B. :
Merci pour votre intérêt et à bientôt.

Propos recueillis par Jérémy Bernadou

site web : http://www.dirge.fr

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