Panzerballet + DRH
11/02/2016
Le Triton - Paris
Par Jean-Philippe Haas
Photos: Thierry de Haro
Site du groupe : http://www.panzerballett.de/
On a trop peu souvent l’occasion de croiser Panzerballett en France. Alors, lorsque le groupe germano-autrichien est de passage au Triton, on se précipite, tout naturellement, pour entendre en live les titres du dernier-né des forges infernales du groupe, Breaking Brain. Armée de bouchons, une délégation de Chromatique a courageusement décidé d’affronter l’ouragan jazz metal qui n’allait pas manquer de s’abattre sur la petite salle parisienne. .
C’est aux Français de DRH, qui avaient déjà ouvert pour Panzerballett l’avant-veille à Cologne, que revient l’honneur d’assurer la première partie. Le groupe est venu avec son fan-club et cela s’entend ! Dans un style similaire à la tête d’affiche (mais beaucoup moins violent), le quartette lyonnais est là pour convaincre le public que des Français peuvent eux aussi nous en faire voir de toutes les couleurs sans nécessairement avoir du Wotan ou du Thor parmi ses ascendants. Si le matériel déballé sur scène est moins impressionnant, ce n’est pas le cas de l’enthousiasme. Il y a dans ce concert autant à voir qu’à écouter : Rémi Matrat anime le show et souffle dans son saxophone comme si sa vie en dépendait. DRH laisse à Panzerballett les côtés les plus extrêmes mais emplit l’espace sonore du Triton sans difficulté avec un jazz râpeux, très électrique, syncopé. Danilo Rodriguez (guitare) et Rémi Matrat ont composé en tenant compte de la domination commune de leurs instruments respectifs. Quant au hipster qui officie derrière les fûts (appelons-le Josselin Hazard), il ne paie pas de mine avec son look branché, mais n’en est pas moins redoutable dans l’utilisation des baguettes, tout comme l’imposant Alexandre Phalippon à la basse.
Après avoir été copieusement applaudis, les Français cèdent leur place au typhon teuton. Mais il ne faut pas s’en faire une fausse idée : sous ses allures (sonores) de brutes épaisses, Panzerballett est un groupe des plus sympathiques. Pas de poses de « méchants », de décorum metal ou de tenues de bad boys. Nous sommes en présence de musiciens qui s’amusent, avec virtuosité et puissance, certes, mais sans trop se prendre au sérieux. La quasi totalité de Breaking Brain sera passée en revue, avec moult explications de la part de Jan Zehrfeld qui, coiffé de son couvre-chef tentaculaire habituel, se fait un devoir de donner quelques précisions sur chaque titre, évoquant peu ou prou leur genèse, leurs thèmes, les contextes dans lesquels ils ont été écrits… Ces éclaircissements alternent avec des digressions sur les instruments, avec pédagogie et bonne humeur : le pourquoi du comment du passage de la six cordes à la huit cordes (en substance : pour avoir un son plus gras, plus grave, plus lourd), la raison pour laquelle les frettes de sa guitare sont tordues (un tragique accident), und so weiter.
Entre deux traits d’esprit, c’est un déchaînement de violence et de virtuosité, de breaks abrupts, de mesures asymétriques et de fun à tous les étages, de titres originaux et de reprises « améliorées »(« Pink Panther », « Thunderstruck »…), entretenu par les deux guitaristes – Zehrfeld, donc, et Joe Doblhofer – le tout enluminé par le saxophone d’un Alexander von Hagke tranquillement à l’abri de la furie des éléments derrière son casque audio. Avec flegme et une facilité déconcertante, celui-ci enchaîne les tours de force tandis que, tout aussi nonchalant et « facile », le bassiste Heiko Jung donne l’impression de donner la réplique à un groupe de punk jouant deux accords en 4/4. C’en est presque agaçant de voir cette livrée de musiciens jouer avec la complexité comme s’il s’agissait d’un jouet destiné aux moins de trente-six mois. Le batteur Sebastian Lanser fait montre d’une concentration que nul ne saurait distraire mais ne donne pas le moindre signe de faiblesse ; c’est à peine s’il daigne transpirer ! Si les bouchons d’oreilles sont de rigueur, les yeux écarquillés le sont aussi : Panzerballett déroule son répertoire récent sans donner le moins du monde l’impression de peiner devant la complexité de la tâche. Et bien perspicace celui qui aura su déceler un retard d’un huitième de temps ou une note intruse d’un quart de ton dans cette mécanique diaboliquement bien huilée !
Le public, bien que peu nombreux (une petite cinquantaine de personnes) et pas forcément expérimenté, montre par ses applaudissement nourris qu’il vient d’assister à un grand concert. On souhaite que les apparitions du groupe se fassent moins rares chez nous. Après être passé par les festivals spécialisés Crescendo et RIO, Panzerballett pourrait largement prétendre à une place dans toute autre manifestation de jazz ou de metal qui se respecte et un tant soit peu ambitieuse.