Steven Wilson
10/11/2011
Le Bataclan - Paris
Par Dan Tordjman
Photos:
Site du groupe : www.gracefordrowning.com
Setlist :
No Twilight Within the Courts of the Sun / Index / Deform to Form a Star / Sectarian / Postcard / Remainder the Black Dog / Harmony Korine Abandoner / Like Dust I Have Cleared From My Eye / No Part of Me / Veneno Para Las Hadas / Raider II / Rappel: Get All You DeserveSteven Wilson aime bouleverser son public. Après avoir frappé ses fans français une première fois sur la joue avec la sortie de Grace for Drowning, une majorité de furieux, tous prêts à tendre l’autre, avait investi le Bataclan en cette fin octobre. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’ils ne sont pas venus pour rien. Compte-rendu d’une soirée qui eut pour fil conducteur le mot concept.
Steven Wilson est un concept à lui tout seul.
C’est indubitablement l’un des concerts les plus attendus de cet automne. Cerclée de rouge depuis longtemps sur les agendas, smartphones, calendriers, la venue de Steven Wilson dans la Ville Lumière n’avait rien d’une visite de courtoisie. En vacances de Porcupine Tree et cinq mois après son passage avec Blackfield, le génial Britannique revient pour prêcher la bonne parole autour de son deuxième effort en solitaire, Grace for Drowning. C’est un public assez hétéroclite du point de vue de l’âge qui s’est donc donné rendez-vous boulevard Voltaire pour une soirée ciné+concert. Pourquoi ciné ? Parce que l’auditoire eut droit, en guise d’apéritif, (hum…question de goût) à une projection muette, articulée semble t-il autour de Grace for Drowning. Comme toujours, ce film d’animation a été réalisé par le fidèle Lasse Hoile, responsable depuis de nombreuses années de l’univers visuel de la sphère Wilson.
Alors certes, le père Wilson est quelqu’un de très conceptuel. Mais cette fois-ci, les faits sont là : trop de concept tue le concept. Disons-le, une grande partie du public s’est royalement ennuyée lors de cette projection. A tel point que certains se sont crus à un match de l’Equipe de France de football au Stade de France en tentant (sans succès, rassurez-vous) de lancer une ola ! Quoi qu’il en soit, les minutes s’égrènent longuement et l’on attend désespérément que le rideau tombe. Un bel espoir, caressé par tout un public, au moment où Marco Minnemann (celui-là même qui a auditionné pour Dream Theater) prend place derrière sa batterie, rejoint ensuite par Nick Beggs, Adam Holzman, Theo Travis et Aziz Ibrahim. Les cinq musiciens entament « No Twilight Within the Courts of the Sunny », mais ce satané voile derrière lequel les musiciens commencent à jouer refuse de tomber. On se dit qu’à l’arrivée de Wilson, il va bien finir par faire place nette. Eh bien non ! Le maître de cérémonie est sur scène mais le rideau ne tombe pas et c’est volontaire. (Steven Wilson est un concept à lui tout seul). Ce voile eut pour effet de frustrer une bonne partie du Bataclan dans laquelle s’inclurait volontiers Marjorie Coulin ! Au fil du concert, on peut deviner une certaine connivence entre Marco Minnemann et Nick Beggs dont les tresses firent leur effet sur beaucoup de fans, Quant à notre maître de cérémonie, il semble complètement dans son monde. Possédé ou déconnecté de la réalité, ses mimiques saccadées rappellent au choix un pantin désarticulé ou C3PO qui aurait pris forme humaine Steven Wilson est un concept à lui tout seul.
Le maudit voile finit par tomber pendant « Sectarian » dont l’intro acoustique a de quoi surprendre. Difficile de nommer un moment fort de la soirée tant la prestation fournie fut captivante et consistante. Citons toutefois un « Postcard » limpide au possible, avant d’enchaîner avec le premier orgasme de la soirée : « Remainder of the Black Dog » qui permet à Theo Travis, de passer de l’ombre à la lumière avec un solo complètement déjanté. Tout le concert se déroule sur fond de films tout droit sortis de l’imagination de Lasse Hoile. Et aussi impensable que ça paraisse, ces courts métrages font partie intégrante du concert. (Steven Wilson est un concept à lui tout seul). Le public voit Theo Travis, à la surprise générale, s’asseoir au piano de Wilson sur « Like Dust I Have Cleared From My Eye », preuve que les musiciens jouissent d’une grande liberté malgré l’interprétation d’une musique mystique et complexe.
Lorsque Steven Wilson dit au public : « Jusqu’ici, c’était du gâteau » (Steven Wilson est un concept à lui tout seul), ce dernier comprend sans mal que le second orgasme de la soirée est imminent. Il a pour nom « Raider II ». Pas une miette de ce pavé n’est perdue et voit Marco Minnemann montrer à l’assistance qu’il était vraiment trop fort pour intégrer Dream Theater. Vingt minutes plus tard les musiciens, Wilson en tête, quittent un à un la scène pour laisser Nick Beggs & Marco Minnemann seuls, avant qu’ils ne désertent à leur tour l’espace qui leur était alloué.
Impossible de clore un tel spectacle de la sorte. C’est pour un rappel en apothéose que Steven Wilson et ses acolytes reviennent interpréter « Get all You Deserve » qui voit, une nouvelle fois, Theo Travis s’asseoir au piano de Wilson sur le devant de la scène. Le Bataclan n’est plus à une originalité près. En revanche, il ne s’attendait sûrement pas à ce que Steven Wilson enfile le masque à gaz qui a servi pour la couverture d’Insurgentes. Après cette prestation immaculée d’une heure quarante-cinq, la salle se vide et les avis qui s’échangent à l’extérieur semblent divisés : si certains furent conquis du début à la fin, d’autre n’ont pas forcément adhéré à la thématique développée le long de la soirée et s’interrogent sur la réelle nécessité du film. Certains n’hésiteront pas à dire que Steven Wilson est en train de devenir un clone de Robert Fripp, de quoi nourrir de nombreuses réactions et discussions. le reportage que nous vous proposons là, ne devrait pas déroger à la règle et d’ailleurs il pourrait tout à fait se terminer comme il a commencé : Steven Wilson est un concept à lui tout seul.